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Conditionspour accĂ©der au diplĂŽme Bac Pro ASSP. Avoir 16 ans minimum pour commencer la prĂ©paration et 18 ans ou plus pour prĂ©senter lâexamen. Avoir effectuĂ© des stages dâune durĂ©e de 22 semaines rĂ©parties sur 3 ans. Ce cycle dâapprentissage du Cours Minerve prĂ©voit la validation dâun diplĂŽme intermĂ©diaire de niveau 3 en coursTerminale spĂ©cialitĂ© - ThĂšme 3 - Histoire et mĂ©moires DĂ©tails Ăcrit par Eric Michelangeli Cours Diapo Intro I II OTC Sommaire INTRODUCTION HISTOIRE ET MĂMOIRE, HISTOIRE ET JUSTICEA. LA DIFFĂRENCE ENTRE HISTOIRE ET MĂMOIRE1. La mĂ©moire2. Lâhistoire3. Les mĂ©moires, objet dâĂ©tude pour lâhistorienB. LES NOTIONS DE CRIME CONTRE LâHUMANITĂ ET DE GĂNOCIDE, ET LE CONTEXTE DE LEUR ĂLABORATION1. Crime contre lâhumanitĂ©2. GĂ©nocideConclusionI. HISTOIRE ET MĂMOIRES DES CONFLITS AXE 1A. UN DĂBAT HISTORIQUE ET SES IMPLICATIONS POLITIQUES LES CAUSES DE LA PREMIĂRE GUERRE MONDIALEIntroduction1. Les causes de la PremiĂšre Guerre mondiale rappel2. La recherche des responsabilitĂ©s des dĂ©bats dâhistoriens, des enjeux mĂ©moriaux et politiquesConclusionB. MĂMOIRES ET HISTOIRE DâUN CONFLIT LA GUERRE DâALGĂRIEIntroduction1. Des mĂ©moires opposĂ©es, parfois antagonistes2. Des tensions politiques et gĂ©opolitiquesConclusionII. HISTOIRE, MĂMOIRE ET JUSTICE AXE 2A. LA CONSTRUCTION DâUNE JUSTICE PĂNALE INTERNATIONALE FACE AUX CRIMES DE MASSE LE TRIBUNAL PĂNAL INTERNATIONAL POUR LâEX-YOUGOSLAVIE TPIY1. Le contexte lâimplosion de la Yougoslavie2. La mise en place du tribunal et ses effets Ă diffĂ©rentes Ă©chellesB. LA JUSTICE Ă LâĂCHELLE LOCALE LES TRIBUNAUX GACACA FACE AU GĂNOCIDE DES TUTSI1. Le gĂ©nocide des Tutsi au Rwanda2. La rĂ©ponse judiciaireIII. LâHISTOIRE ET LES MĂMOIRES DU GĂNOCIDE DES JUIFS ET DES TSIGANES OBJET DE TRAVAIL CONCLUSIFINTRODUCTIONA. LIEUX DE MĂMOIRE DU GĂNOCIDE DES JUIFS ET DES TSIGANES1. Lieux et non-lieux de mĂ©moire2. Lieux de mĂ©moire in situ et ex situ histoire, dispositifs et questionnements actuelsB. JUGER LES CRIMES NAZIS APRĂS NUREMBERG1. Juger les crimes nazis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale2. Le tournant du procĂšs Eichmann avril-dĂ©cembre 19613. AprĂšs Eichmann, la multiplication des procĂšsC. LES GĂNOCIDES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE DANS LA LITTĂRATURE ET LE CINĂMA1. GĂ©nocides et littĂ©rature2. GĂ©nocides et cinĂ©maCONCLUSION Manuel Introduction repĂšres Les guerres ont douloureusement marquĂ© l'histoire approche rationnelle et les mĂ©moires approche affective des peuples du XXe siĂšcle. Elles ont parfois donnĂ© naissance Ă un antagonisme durable entre vainqueurs et vaincus, et les victimes des crimes de masse et des gĂ©nocides ont souvent tardĂ© Ă recevoir la reconnaissance qui leur Ă©tait due. Quels rapports les sociĂ©tĂ©s entretiennent-elles avec leur passĂ© ? Introduction Histoire et mĂ©moire, histoire et justice Manuel La mĂ©moire et l'histoire sont deux approches diffĂ©rentes du passĂ©. La mĂ©moire rĂ©pond Ă un impĂ©ratif de reconnaissance envers des hĂ©ros ou des victimes, l'histoire Ă un impĂ©ratif de connaissance et de vĂ©ritĂ© -RepĂšre 1 Histoire et mĂ©moire. La connaissance historique et la justice aident les sociĂ©tĂ©s et les Ătats Ă faire le deuil des conflits et Ă en tirer, le cas Ă©chĂ©ant, des enseignements la premiĂšre, en invitant Ă une relecture critique du passĂ©, la seconde, en punissant les responsables des crimes contre l'humanitĂ©, dĂ©sormais inscrits dans le droit international. A. La diffĂ©rence entre histoire et mĂ©moire Quel sens une sociĂ©tĂ© donne-t-elle au passĂ© ? Comment se construit son rapport Ă son histoire, Ă ce qu'elle en retient ? Que nous apprend sur elle-mĂȘme la signification que notre sociĂ©tĂ© attribue Ă tel Ă©pisode, au choix de celui-ci, Ă l'oubli de celui-lĂ , au retour soudain Ă la surface de ce qui semblait avoir rejoint Ă jamais le silence des cimetiĂšres ? Ce questionnement met en jeu les notions de mĂ©moire et dâhistoire. 1. La mĂ©moire Câest lâaptitude Ă se souvenir, un ensemble de souvenirs, un rĂ©cit, une reprĂ©sentation subjective du passĂ© qui donne du sens au prĂ©sent. Elle rend compte du rapport affectif dâun individu ou dâun groupe aux Ă©vĂ©nements du passĂ©. On entend donc par mĂ©moire » des individus et des groupes lâensemble des souvenirs d'un Ă©vĂ©nement historique, vĂ©cus, construits ou transmis -par la famille, l'Ă©cole... Câest une reconstruction a posteriori, qui se fabrique et Ă©volue selon un processus complexe pour lâhistorien Henry Rousso, la mĂ©moire est dâabord un processus vital de sĂ©lection entre les souvenirs et les oublis, entre ce que la conscience doit retenir et ce quâelle va Ă©carter ou refouler de maniĂšre provisoire ou dĂ©finitive ». Elle fonde la transmission entre gĂ©nĂ©rations, structure la filiation, le lien familial et social car elle sâinscrit dans un collectif »[1]. Pour lâhistorien Pierre Nora, les mĂ©moires relĂšvent fondamentalement de la subjectivitĂ©, c'est-Ă -dire de leur dĂ©termination par les sujets qui les conçoivent une mĂ©moire sert les intĂ©rĂȘts, matĂ©riels ou symboliques dâun groupe -mĂȘme si ces intĂ©rĂȘts peuvent ĂȘtre tout Ă fait lĂ©gitimes, comme le sont ceux des victimes des grands crimes du passĂ© Les abus de la mĂ©moire ». LâĂtat, Les gouvernements sâintĂ©ressent aux mĂ©moires, entretiennent le souvenir de hĂ©ros, dâĂ©vĂ©nements traumatiques ou fondateurs et veillent au devoir de mĂ©moire », tout en laissant par ailleurs dans le silence lâoubli ? des Ă©vĂ©nements ou des acteurs ils mĂšnent des politiques mĂ©morielles, qui peuvent mĂȘme se traduire par lâadoption de lois mĂ©morielles -Vocabulaire + RepĂšre 2 + La mobilisation des historiens contre les lois mĂ©morielles. 2. Lâhistoire Le travail des historiens, parallĂšle au travail de mĂ©moire », sâen nourrit et sâen distingue. Lâhistoire vise Ă une comprĂ©hension, Ă une interprĂ©tation du passĂ©, fondĂ©e sur l'analyse des traces laissĂ©es par l'activitĂ© humaine les sources. Pour donner Ă comprendre son passĂ© Ă une sociĂ©tĂ©, l'histoire interroge, remet en cause les mythes ou les rĂ©cits constituĂ©s. Elle privilĂ©gie le regard Ă distance, l'observation du passĂ© dĂ©gagĂ©e autant que possible de l'emprise de la religion, des opinions ou du pouvoir. Selon Pierre Nora, la dĂ©marche de lâhistorien relĂšve dâune volontĂ© dâobjectivitĂ© et dâun processus de vĂ©ritĂ© -NB une vĂ©ritĂ© qui peut ĂȘtre rĂ©visĂ©e, voire rĂ©futĂ©e comme lâest toute dĂ©marche scientifique. Lâhistorien se pose des questions, lit, critique les sources, cherche Ă comprendre les traces archĂ©ologiques, les mentalitĂ©s, et sa dĂ©marche se veut objective. Attention nĂ©anmoins, il se pose les questions de son temps, depuis la sociĂ©tĂ© Ă laquelle il appartient le credo de lâobjectivitĂ© historique a Ă©tĂ© battu en brĂšche au XXe siĂšcle par lâidĂ©e que lâhistoire repose en dernier ressort sur une narration, une construction Ă©laborĂ©e dans des contextes, avec des acteurs prĂ©cis, historiens ou autres, plus que sur une exhumation de ce qui a Ă©tĂ©. Elle sâĂ©crit avec des points de vue, des angles dâobservation, des questionnements pluriels et variĂ©s. Elle nâest donc plus une et indivisible »[2]. 3. Les mĂ©moires, objet dâĂ©tude pour lâhistorien Câest donc ici bien une rĂ©flexion sur les mĂ©moires collectives, lâĂ©volution des reprĂ©sentations du passĂ© par un groupe ou une sociĂ©tĂ©, et sur leur usage politique que nous allons conduire. Pour les historiens, les mĂ©moires sont devenues, depuis les annĂ©es 1980, un objet dâĂ©tude. Ils sâappuient sur les travaux de la psychanalyse Freud, Lacan, de la sociologie Maurice Halbwachs, Les cadres sociaux de la mĂ©moire, 1925, de la philosophie Paul Ricoeur, La mĂ©moire, lâhistoire, lâoubli, 2000 Les malentendus entre lâhistoire et la mĂ©moire. Les historiens historicisent les mĂ©moires ils les analysent, les contextualisent et en font un rĂ©cit cohĂ©rent devoir dâhistoire » -Cf. les travaux de Pierre Nora ou ceux dâHenry Rousso. Lâhistorien Pierre Nora conduit un travail fondateur dans Les Lieux de MĂ©moire 1984-1992, il identifie des lieux de mĂ©moires pour la France et les Français, lieux rĂ©els ou imaginaires qui fondent lâidentitĂ© française. Dans les annĂ©es 1980, en particulier Henry Rousso reprend des concepts de la psychanalyse pour les appliquer Ă lâĂ©tude des mĂ©moires. Il Ă©voque la notion de rĂ©gime mĂ©moriel en montrant que le travail de mĂ©moire », notamment pour les Ă©vĂ©nements traumatisants, suit plusieurs phases occultation destinĂ©e Ă la restauration de la paix civile au sortir des conflits phase dâoubli, construction dâune mĂ©moire hĂ©roĂŻque, travail de deuil ; Ă©mergence des mĂ©moires enfouies qui sâaffirment, le retour du refoulĂ© ; rĂ©ception par la sociĂ©tĂ©, parfois conflits et puis acceptation. Entre lâhistoire et les mĂ©moires, il y a donc la mĂ©diation des historiens. Il y a aussi la justice et le droit droit des vainqueurs, droit des victimes. Le droit international joue un rĂŽle majeur dans la reconstruction des sociĂ©tĂ©s en particulier europĂ©ennes dans lâaprĂšs Seconde Guerre mondiale avec notamment le procĂšs de Nuremberg. B. Les notions de crime contre lâhumanitĂ© et de gĂ©nocide, et le contexte de leur Ă©laboration Philippe Sands, avocat international franco-britannique montre dans son ouvrage Retour Ă Lemberg 2016 la genĂšse des notions de crime contre lâhumanitĂ© et de gĂ©nocide[3]. On y rencontre Hersch Lauterpacht, professeur de droit international Ă Cambridge, qui dĂ©finit le crime contre lâhumanitĂ© et qui parvient Ă le faire intĂ©grer dans le droit international en 1945, ainsi que RaphaĂ«l Lemkin, le juriste qui invente en 1943 le terme de gĂ©nocide. Les deux ont Ă©tudiĂ© dans la mĂȘme facultĂ© de droit de Lemberg Lvov polonaise ou aujourdâhui Lviv ukrainienne. 1. Crime contre lâhumanitĂ© Le procĂšs de Nuremberg sâinscrit dans un cadre dĂ©fini par les alliĂ©s pendant la Seconde Guerre mondiale la DĂ©claration de Moscou d'octobre 1943, signĂ©e par les Ătats-Unis, le Royaume-Uni et lâUnion soviĂ©tique, dĂ©clarait qu'aprĂšs l'armistice, les individus dont les crimes ne pourraient ĂȘtre circonscrits Ă un lieu gĂ©ographique prĂ©cis, seraient jugĂ©s conjointement par les gouvernements alliĂ©s. Ces procĂšs au Tribunal militaire international TMI se tiennent Ă Nuremberg, du 18 octobre 1945 au 1er octobre 1946. Douze des accusĂ©s sont condamnĂ©s Ă mort, dont le marĂ©chal Hermann Goering, Hans Frank, Alfred Rosenberg et Julius Streicher. Le TMI prononce trois peines de prison Ă vie et quatre peines de prison allant de 10 Ă 20 ans. Trois des accusĂ©s sont acquittĂ©s. RepĂšre 3 p. 182. Crime contre lâhumanitĂ©- Câest dans le cadre de ce procĂšs que la notion de crime contre lâhumanitĂ© apparaĂźt de façon officielle pour la premiĂšre fois dans le droit international[4]. Le juriste Hersch Lauterpacht 1897-1960, qui collabore avec le procureur amĂ©ricain Robert Jackson, veut placer la protection de lâindividu au cĆur de lâordre juridique international ». Câest lui qui obtient que cette nouvelle qualification soit retenue parmi les chefs dâaccusation des inculpĂ©s de Nuremberg et dans la charte du tribunal -RepĂšre Il sâagit de crimes collectifs commis dans un cadre discriminatoire pour motifs politiques, raciaux ou religieux[5], formellement distincts des crimes de guerre. Pour le droit pĂ©nal français câest le seul crime imprescriptible. Cette notion Ă©volue En 1993, avec le statut du TPIY[6], on assiste Ă une banalisation de la notion la condition politique est dĂ©sormais occultĂ©e, le crime contre lâhumanitĂ© nâĂ©tant plus nĂ©cessairement un crime dâĂtat. Le statut du TPIY permet alors de [dĂ©signer comme] crime contre lâhumanitĂ© toute âbarbarieâ, toute atteinte massive aux droits de lâhomme, in fine comme protection des valeurs humaines de la civilisation, et non plus pour protĂ©ger lâhumanitĂ© contre les seules politiques criminelles discriminatoires. » Avec lâadoption du Statut de Rome 1998, qui institue la Cour pĂ©nale internationale CPI. La CPI a Ă©largi la dĂ©finition de l'inculpation pour mieux couvrir la multiplicitĂ© des crimes Ă juger[7]. Les crimes poursuivis ne renvoient pas tous Ă une discrimination, mais les termes gĂ©nĂ©ralisĂ©e » et systĂ©matique » renvoient Ă des crimes massifs et planifiĂ©s. En dĂ©pit de ces Ă©volutions, on constate nĂ©anmoins une certaine continuitĂ© dans le droit international. 2. GĂ©nocide RepĂšre 4 Le gĂ©nocide- En 1943, RaphaĂ«l Lemkin est conseiller spĂ©cial pour les affaires Ă©trangĂšres auprĂšs du ministĂšre de la Guerre Ă©tatsunien. Il a fui la Pologne occupĂ©e Ă la fin de lâautomne 1939 via les pays baltes puis la SuĂšde et en avril 1941 les Ătats-Unis. Sa famille restĂ©e sur place y est en trĂšs grande en partie exterminĂ©e. Il achĂšve Ă Washington une Ă©tude sur lâoppression nazie en Europe[8], qui dĂ©crit lâextermination mĂ©thodique en cours des juifs dâEurope par lâAllemagne nazie p181. Lâinvention du concept de gĂ©nocide. Il fait reposer sa dĂ©monstration sur lâĂ©tude de la destruction des ArmĂ©niens durant la PremiĂšre Guerre mondiale dans lâEmpire ottoman, Ă laquelle il sâintĂ©resse depuis les annĂ©es 1920[9]. Ă la diffĂ©rence de Lauterpacht, Lemkin souhaite une lĂ©gislation protectrice des groupes ethniques ou religieux, mais il Ă©choue Ă faire rentrer la notion de gĂ©nocide parmi les chefs dâaccusation de Nuremberg. Câest finalement la Convention de lâONU, en 1948, qui marque la premiĂšre prise en compte officielle du crime de gĂ©nocide. Le concept de gĂ©nocide doit se penser Ă plusieurs niveaux Au niveau du droit. DĂšs 1946, lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de lâONU adopte la rĂ©solution 96 qui affirme que le gĂ©nocide nie le droit Ă lâexistence de groupes humains entiers » et quâil est un crime au regard du droit international ». Lemkin parvient Ă faire adopter la Convention pour la prĂ©vention et la rĂ©pression du crime de gĂ©nocide adoptĂ©e le 9 dĂ©cembre 1948 puis pour la faire ratifier[10]. Mais cette convention, entrĂ©e en vigueur en 1951, nâa pas de force concrĂšte sans lâinstauration de tribunaux internationaux. Leur crĂ©ation nâinterviendra que dans les annĂ©es 1990 TPIY, TPIR ex-Yougoslavie, Rwanda, CPI statut de Rome de 1998 instituant la Cour pĂ©nale internationale. Au niveau de la recherche historiens, anthropologues, sociologues, politistes, philosophes ont adoptĂ© ce concept et son Ă©tude sâest amplifiĂ©e Ă la fin du XXe siĂšcle Ă un moment oĂč il est apparu trĂšs clairement que ces entreprises de destructions humaines nâappartenaient pas seulement au passĂ© et au droit, mais quâelles se rĂ©pĂ©taient en Europe avec des crimes dâĂtat dans lâex-Yougoslavie, au Rwanda avec le gĂ©nocide des Tutsi, interrogeant la possibilitĂ© de comprendre et dâagir face aux catastrophes[11]». Autre niveau celui des opinions publiques, pour alerter sur des massacres prĂ©sents celui des Yezidis, des Rohingyas, des Ouighours, caractĂ©riser des faits passĂ©s que les victimes jugent peu connus. Sâil y a bien une prise de conscience gĂ©nĂ©rale du sort rĂ©servĂ© Ă des groupes humains dĂ©shumanisĂ©s et racialisĂ©s, des chercheurs comme JoĂ«l Kotek alertent sur le risque de surenchĂšre victimaire et de concurrences victimaires. Les gĂ©nocides peuvent ĂȘtre distinguĂ©s des crimes de masse dans la mesure oĂč ces massacres systĂ©matiques commis par des Ătats ou des organisations entrant dans la catĂ©gorie des crimes contre lâhumanitĂ© ne poursuivent pas une entreprise de destruction totale dâune population dĂ©finie. Conclusion Nous sommes donc devant deux notions concurrentes et finalement complĂ©mentaires, Ă©laborĂ©es Ă partir de la PremiĂšre Guerre mondiale et qui se cristallisent pendant la deuxiĂšme Guerre mondiale. Selon Philippe Sands dans le compte-rendu quâen fait A. Wieviorka, les concepts de gĂ©nocide » et de crimes contre l'humanitĂ© » se sont dĂ©veloppĂ©s cĂŽte Ă cĂŽte, dans une dialectique qui lie l'individu et le groupe ». Si Hersch Lauterpacht et Raphael Lemkin s'accordaient sur la valeur de la vie humaine, ils s'opposaient fondamentalement sur les moyens les plus efficaces pour parvenir Ă la protection de ces valeurs ĂȘtre attentif aux individus, ou au contraire aux groupes ». Or si les deux conceptions ont d'abord cheminĂ© ensemble, le crime contre l'humanitĂ© prenant un temps le pas sur celui de gĂ©nocide, les choses ont Ă©voluĂ© et une hiĂ©rarchie informelle s'est imposĂ©e ». Le crime de gĂ©nocide est devenu le crime des crimes ». Avec des consĂ©quences imprĂ©vues. Philippe Sands, que sa pratique d'avocat a amenĂ© Ă travailler en Serbie, en Croatie, en Libye, au Rwanda ou au Chili, note que le gĂ©nocide a suscitĂ© une bataille entre victimes ». De plus, prouver le crime de gĂ©nocide est dĂ©licat car il faut administrer la preuve de l'intention de dĂ©truire un groupe ou une partie d'un groupe, comme l'exige la Convention. Enfin, Ă©tablir le gĂ©nocide accroĂźt le sentiment de solidaritĂ© entre victimes, et renforce [...] les sentiments nĂ©gatifs Ă l'Ă©gard du groupe auteur des crimes ». Le sentiment du eux » et nous » est durci, la rĂ©conciliation rendue difficile. Ainsi, le gĂ©nocide finirait par susciter les conditions mĂȘmes qu'il cherchait Ă Ă©liminer »[12]. I. Histoire et mĂ©moires des conflits Axe 1 Le passĂ© laisse des traces susceptibles d'unir ou de diviser les populations. Pour des pĂ©riodes aussi sombres que les guerres, les mĂ©moires peuvent ĂȘtre douloureuses, occultĂ©es, passionnĂ©es ou officialisĂ©es. Dans tous les cas, elles sont un discours et une reprĂ©sentation subjective du passĂ© qui donnent du sens au prĂ©sent. InĂ©vitablement, ces mĂ©moires sont alors en tension avec le travail de l'historien qui doit mettre Ă distance la mĂ©moire sans toutefois la rejeter. Comment l'histoire et les mĂ©moires des conflits s'articulent-elles ? A. Un dĂ©bat historique et ses implications politiques les causes de la PremiĂšre Guerre mondiale Introduction La question des causes de la PremiĂšre Guerre mondiale avait disparu depuis quelques annĂ©es de lâenseignement de la Grande Guerre dans le secondaire, au profit dâune attention, lĂ©gitime, portĂ©e Ă lâexpĂ©rience combattante et Ă lâinscription du conflit dans une histoire plus longue, celle dâun premier XXĂšme siĂšcle dont la Grande Guerre serait la matrice. Plus quâaux causes de la Grande Guerre, les programmes sâintĂ©ressaient davantage au conflit comme cause lui-mĂȘme du siĂšcle Ă venir. Plus de cent ans aprĂšs le conflit, le dĂ©bat nâest pas clos sur ses origines, sur ce qui et sur qui lâa dĂ©clenchĂ©, sur les responsabilitĂ©s des diffĂ©rentes entitĂ©s politiques, militaires et Ă©conomiques dans ce dĂ©clenchement[13]. Quelles sont les causes de la guerre ? L'Allemagne en est-elle la seule responsable ? C'est ce qu'affirme, en 1919, l'article 231 du traitĂ© de Versailles qui l'oblige en consĂ©quence Ă payer aux vainqueurs de lourdes rĂ©parations. Cette question anime les dĂ©bats entre historiens et dans l'espace public depuis l'entre-deux-guerres, constituant un enjeu mĂ©moriel et historique important Ă l'Ă©chelle europĂ©enne. Quels sont les enjeux politiques et historiques du dĂ©bat sur les causes de la PremiĂšre Guerre mondiale soulĂšve-t-il ? 1. Les causes de la PremiĂšre Guerre mondiale rappel En 1914, l'attentat de Sarajevo produit une onde de choc qui embrase le continent europĂ©en. a. Des conflits dâintĂ©rĂȘt aux crises Guillaume II, empereur dâAllemagne 1888-1918, lance son pays dans une Weltpolitik visant Ă assurer Ă l'Allemagne, devenue derriĂšre les Ătats-Unis la seconde puissance industrielle du monde, des positions stratĂ©giques, des matiĂšres premiĂšres, des dĂ©bouchĂ©s commerciaux et financiers. Les progrĂšs industriels et lâessor de la flotte de guerre allemands constituent un sujet de prĂ©occupation pour Londres. Les intĂ©rĂȘts allemands se heurtent Ă©galement Ă ceux de la France. Ainsi, la question marocaine oppose Ă deux reprises la France et l'Allemagne. En mars 1905, Guillaume II se prĂ©sente comme le dĂ©fenseur de la libertĂ© marocaine contre les ambitions françaises, et provoque une vive tension entre les deux pays. La confĂ©rence internationale dâAlgĂ©siras 1906 tranche en faveur de la France, soutenue par lâAngleterre et la Russie, ce qui conduit les Allemands Ă envoyer un navire de guerre mouiller dans le port d'Agadir en 1911, au moment oĂč les Français interviennent militairement au Maroc, manquant de dĂ©clencher la guerre[14]. Par ailleurs, les rivalitĂ©s sont particuliĂšrement vives dans les Balkans oĂč lâeffacement de l'Empire ottoman face aux peuples serbe, roumain, bulgare, etc. laisse le champ libre aux autres grandes puissances rĂ©gionales la Russie renoue avec sa politique traditionnelle de protection des Slaves des Balkans et surtout des Serbes aux volontĂ©s expansionnistes affirmĂ©es, dont elle espĂšre qu'elle lui ouvrira un jour l'accĂšs aux mers chaudes » et se heurte de plus en plus vivement aux visĂ©es expansionnistes de lâAutriche-Hongrie. Celle-ci surveille Ă©troitement la poussĂ©e nationaliste des Slaves du Sud Croates, SlovĂšnes, Bosniaques, etc. qui voient dans la petite Serbie indĂ©pendante du roi Pierre Ier le noyau d'un futur Ătat yougoslave ». Enfin, Ă partir des premiĂšres annĂ©es du XXe siĂšcle, le jeune impĂ©rialisme italien manifeste des revendications irrĂ©dentistes dans la rĂ©gion, concernant des territoires sous domination autrichienne Trentin, Trieste. Une sĂ©rie de crises secoue les Balkans En 1908-1909, lâAutriche-Hongrie annexe la province ottomane de Bosnie-HerzĂ©govine, et se heurte Ă la Serbie, qui finit par sâincliner. En 1912, la guerre Ă©clate entre l'Empire ottoman et les Ătats du Sud des Balkans Bulgarie, GrĂšce, MontĂ©nĂ©gro, Serbie groupĂ©s en une ligue balkanique ». Victorieuse des Ottomans qui abandonnent leurs derniĂšres possessions europĂ©ennes, la Serbie doit accepter l'arbitrage des puissances, soucieuses de maintenir un semblant d'Ă©quilibre dans la rĂ©gion[15]. En 1913, une nouvelle guerre oppose la Bulgarie aux autres vainqueurs de la Turquie, rejoints par la Roumanie. Le traitĂ© de Bucarest aoĂ»t 1913 ne laisse Ă la Bulgarie qu'une Ă©troite façade sur la mer ĂgĂ©e et partage la MacĂ©doine entre GrĂšce et Serbie ; la Roumanie sâagrandit vers le Sud. Au cours de ces trois crises, la France et l'Allemagne n'ont donc que faiblement soutenu leurs alliĂ©es respectivement la Serbie et lâAutriche-Hongrie, ce qui a permis d'Ă©viter le dĂ©clenchement d'une guerre gĂ©nĂ©rale. Toutefois, la zone balkanique reste en 1914 une poudriĂšre, prĂȘte Ă exploser Ă tout moment. b. Le dĂ©clenchement de la guerre La rĂ©pĂ©tition et l'aggravation des crises internationales crĂ©ent en Europe une psychose de guerre[16] qui concourt au renforcement des blocs. En effet, pour la seule annĂ©e 1912 La Triple Alliance ou Triplice Autriche-Hongrie, Italie, Allemagne[17] est renouvelĂ©e. Il est dĂ©cidĂ© que la France soutiendrait la Russie[18] dans l'Ă©ventualitĂ© d'une attaque allemande, mĂȘme si la guerre a pour origine un conflit dans les Balkans. Dans la foulĂ©e de lâEntente cordiale entre la France et le Royaume-Uni[19], un plan de coopĂ©ration militaire et navale franco-britannique est Ă©laborĂ©. Il dĂ©bouchera sur ce quâon appellera la Triple Entente. Le 28 juin 1914, en visite Ă Sarajevo Bosnie, l'archiduc hĂ©ritier d'Autriche François-Ferdinand est assassinĂ© par un Ă©tudiant bosniaque, Gavrilo Princip, membre d'une sociĂ©tĂ© secrĂšte la Main noire » liĂ©e au mouvement nationaliste yougoslave ». Le gouvernement Serbe n'a probablement aucune responsabilitĂ© dans l'affaire, mais lâAutriche-Hongrie saisit ce prĂ©texte pour rĂ©gler dĂ©finitivement son compte Ă lâambitieuse Serbie. Fort de l'appui de Guillaume II, le gouvernement austro-hongrois adresse le 23 juillet un ultimatum Ă la Serbie. Celle-ci en repousse lâarticle 6, qui exigeait la participation de fonctionnaires autrichiens Ă l'enquĂȘte menĂ©e en Serbie pour dĂ©terminer les responsabilitĂ©s de l'attentat, provoquant la dĂ©claration de guerre par l'Autriche Ă la Serbie, le 28 juillet. La Russie ne peut laisser Ă©craser sans rĂ©action son alliĂ© et dĂ©cide la mobilisation gĂ©nĂ©rale le 30 juillet. Face Ă cette montĂ©e des pĂ©rils, le mouvement pacifiste se trouve paralysĂ© En France, lâassassinat de Jean JaurĂšs le 31 juillet par le nationaliste Raoul Villain jette le trouble dans le camp des pacifistes et laisse le champ libre aux partisans de lâ Union sacrĂ©e ». En Allemagne, la social-dĂ©mocratie fait passer son attachement Ă la paix aprĂšs sa haine de l'autocratie tsariste. Partout, la stupeur et la rĂ©signation des peuples ne tardent pas Ă se transformer en dĂ©termination -sinon en enthousiasme vĂ©ritable comme tendront Ă en accrĂ©diter l'idĂ©e des Ă©crits nationalistes rĂ©digĂ©s aprĂšs coup- devant l'inĂ©luctabilitĂ© d'une guerre dont on est persuadĂ© qu'elle sera courte. Le 31 juillet, l'Allemagne somme la Russie d'arrĂȘter sa mobilisation et adresse un ultimatum Ă la France. N'ayant pas obtenu de rĂ©ponse, elle dĂ©crĂšte le 1er aoĂ»t la mobilisation gĂ©nĂ©rale et le mĂȘme jour, tandis que la France mobilise Ă son tour, elle dĂ©clare la guerre Ă la Russie. Le 2, elle exige de la Belgique le libre passage pour ses troupes et le 3, elle engage les hostilitĂ©s contre la France. Du cĂŽtĂ© de la Triplice, l'Italie juge que les conditions dans lesquelles la guerre s'engage ne les obligent pas Ă intervenir. Quant au gouvernement britannique, câest lâinvasion de la Belgique par les troupes allemandes qui lĂšve les derniĂšres oppositions au sein du cabinet. Le 4 aoĂ»t, le Royaume-Uni dĂ©clare la guerre Ă l'Allemagne. En moins de deux semaines, la crise balkanique s'est transformĂ©e en un conflit gĂ©nĂ©ralisĂ©, prĂ©lude Ă la PremiĂšre Guerre mondiale » de l'histoire. 2. La recherche des responsabilitĂ©s des dĂ©bats dâhistoriens, des enjeux mĂ©moriaux et politiques Jalon Un dĂ©bat historique les causes de la PremiĂšre Guerre mondiale- Toute mĂ©moire est un enjeu politique au sens de la construction de la citĂ© et de la vie en commun[20]. Il nâest donc pas surprenant que les mouvements politiques prennent part au dĂ©bat. Ainsi, au dĂ©but du XXĂšme siĂšcle, tous les mouvements socialistes europĂ©ens sont farouchement opposĂ©s Ă la guerre -Cf. Jean JaurĂšs Le capitalisme porte la guerre comme la nuĂ©e porte lâorage »[21]. En France comme en Allemagne, ils dĂ©noncent lâexpansion impĂ©rialiste des nations capitalistes et insistent sur la responsabilitĂ© des antagonismes impĂ©rialistes dans lâengrenage dans le dĂ©clenchement de la guerre. DĂšs le dĂ©but du conflit, les gouvernements cherchent Ă faire porter la responsabilitĂ© des hostilitĂ©s Ă lâautre camp. Par exemple, la France se prĂ©sente comme la victime de lâagression allemande tandis que lâAllemagne prĂ©tend mener une guerre dĂ©fensive contre la menace franco-russe. Dâailleurs, chaque belligĂ©rant est persuadĂ© de mener une guerre juste »[22]. a. Les historiens et la recherche des responsabilitĂ©s AprĂšs le conflit, les historiens sont sollicitĂ©s par le pouvoir pour dĂ©terminer les responsabilitĂ©s. Ainsi, en mai 1919, un rapport rĂ©digĂ© par une Commission dâAllemands indĂ©pendants » comprenant quatre historiens est adressĂ© Ă ClĂ©menceau pour contester lâidĂ©e dâune responsabilitĂ© allemande. De son cĂŽtĂ©, le gouvernement français fait aussi appel Ă lâhistorien Pierre Renouvin pour donner un autre avis sur la question. Celui-ci, dans Les origines immĂ©diates de la guerre 1925, affirme que la responsabilitĂ© incombe principalement aux empires centraux, au bellicisme russe et Ă la passivitĂ© des Français. Par la suite, lâhistorien Jules Isaac, dans Un dĂ©bat historique. Le problĂšme des origines de la guerre 1933, attribue, dans une logique de pacifisme et de rĂ©conciliation franco-allemande, une part de responsabilitĂ© de la France loi des 3 ans » 1913, rencontre entre le prĂ©sident PoincarĂ© et le Tsar Ă St PĂ©tersbourg juillet 1914, rĂŽle de lâambassadeur français en Russie poussant la Russie Ă la fermetĂ©[23]. CĂŽtĂ© allemand, dĂšs la signature du TraitĂ© de Versailles, le rejet indignĂ© de ce qui fut qualifiĂ© de Diktat[24] conduit au mythe de lâinnocence allemande »[25] qui vise Ă dĂ©montrer que, contrairement Ă ce quâaffirme lâarticle 231, les responsabilitĂ©s de la guerre nâincombent pas seulement Ă lâAllemagne celle-ci, encerclĂ©e et donc menacĂ©e par les puissances de lâEntente au premier chef par la Russie et la France dont lâalliance avait Ă©tĂ© scellĂ©e en 1894, avait dĂ©rapĂ© » dans la guerre par nĂ©cessitĂ© dĂ©fensive. Le thĂšme de lâencerclement devient le leitmotiv de lâargumentation pour dĂ©molir la thĂšse de la culpabilitĂ© allemande. Elle sera reprise par les nazis, qui y ajouteront une dĂ©nonciation des capitalistes juifs » ayant provoquĂ© la guerre par intĂ©rĂȘt Ă©conomique. Des interprĂ©tations historiques qui Ă©voluent- La publication en 1961 de lâouvrage de Fritz Fischer Les Buts de guerre de lâAllemagne impĂ©riale 1914-1918 fait lâeffet dâune bombe outre-Rhin et au-delĂ . Cet ouvrage, dans lequel lâauteur dĂ©nonce la responsabilitĂ© du militarisme -Vocabulaire allemand dans le dĂ©clenchement du conflit, relance un dĂ©bat endormi et entraĂźne une des plus longues et virulentes querelles dâhistoriens jamais vues La controverse Fischer. En effet, en Ă©tablissant une continuitĂ© historique dans le bellicisme allemand de Bismarck Ă Hitler, il signifie que le IIIĂšme Reich nâest en rien un accident de lâhistoire allemande, et cela au moment oĂč se dĂ©roule le procĂšs Eichmann Ă JĂ©rusalem 1961 et oĂč se prĂ©pare le procĂšs dâAuschwitz Ă Francfort 1963. Le dĂ©bat relayĂ© par la presse dĂ©passe alors le seul cercle des historiens et le gouvernement de Bonn prend position dans la controverse preuve sâil en Ă©tait besoin de lâenjeu politique de la question, en coupant les subsides qui lui Ă©taient allouĂ©s -en 1964, la tournĂ©e de Fischer aux Ătats-Unis est donc annulĂ©e, ce qui entraĂźne la mobilisation dâhistoriens amĂ©ricains et une mini crise » diplomatique. En 2013, lâhistorien australien Christopher Clark publie Les Somnambules. ĂtĂ© 1914. Comment lâEurope a marchĂ© vers la guerre, qui rĂ©Ă©value Ă la hausse la responsabilitĂ© des pays de lâEntente principalement Serbie, Russie et France dans le dĂ©clenchement du conflit, relativisant par consĂ©quent celle des puissances centrales[26]. Christopher Clark rĂ©habilite non seulement la thĂ©orie des responsabilitĂ©s partagĂ©es, mais il considĂšre que la Serbie y a jouĂ© un rĂŽle central, jusque-lĂ trop peu analysĂ©. Selon lui, lâattentat de Sarajevo est le rĂ©sultat de la politique agressive de la Serbie dont les visĂ©es expansionnistes en vue dâunifier la Grande Serbie » se sont manifestĂ©es lors des deux guerres balkaniques. Il considĂšre que le gouvernement serbe Ă©tait au courant du complot visant lâhĂ©ritier du trĂŽne austro-hongrois et quâil a acceptĂ© lâĂ©ventualitĂ© dâun conflit parce quâil lui semblait servir la cause de la Grande Serbie, ce qui nâa donc pas permis dâapaiser les tensions. Un des reproches adressĂ©s Ă Christopher Clark est, dans sa tentative de rĂ©Ă©quilibrage des responsabilitĂ©s, de minimiser celles de lâAllemagne et de lâAutriche-Hongrie dans la gĂ©nĂ©ralisation de la crise aprĂšs lâattentat de Sarajevo et donc de mener une recherche trop orientĂ©e »[27]. Son livre ne peut que trouver un Ă©cho favorable en Allemagne et il lâĂ©crit aprĂšs la dĂ©sintĂ©gration de lâex Yougoslavie et les multiples conflits qui en dĂ©coulent, alors que la Serbie est atteinte dans son image[28] Les relations de la sociĂ©tĂ© allemande Ă son passĂ© + Contexte Les somnambules ». Aujourdâhui, majoritairement, les historiens sâaccordent sur une responsabilitĂ© partagĂ©e des deux camps[29]. Mais ce qui est flagrant, câest quâil y a bien une lecture politique » de la question des responsabilitĂ©s de la Grande guerre⊠comme de sa mĂ©moire, lâĂtat cherchant Ă construire une mĂ©moire officielle. b. CommĂ©morer la Grande guerre Des symboles au service de la mĂ©moire collective La mĂ©moire collective prĂ©sente des caractĂ©ristiques diffĂ©rentes selon les pays belligĂ©rants. Si la Grande Guerre occupe une place particuliĂšre dans la mĂ©moire collective française ou britannique, ce nâest pas le cas en Allemagne. Selon lâhistorien Gerd Krumeich, Perdue et sâĂ©tant dĂ©roulĂ©e hors du territoire allemand, la guerre a Ă©tĂ© lĂąchement refoulĂ©e dĂšs les annĂ©es 1920. Hitler a exploitĂ© le traumatisme de la dĂ©faite et du traitĂ© de Versailles pour accĂ©der au pouvoir, promettant une revanche, dâoĂč lâexpression âguerre de trente ansâ pour qualifier la pĂ©riode 1914-1945. Puis lâhorreur de la pĂ©riode nazie, de la Seconde Guerre mondiale et de lâHolocauste a totalement Ă©clipsĂ© la PremiĂšre Guerre mondiale. Aujourdâhui, les Allemands lâont presque oubliĂ©e. Elle ne joue aucun rĂŽle dans notre identitĂ©, individuelle ou collective »[30]. En France, lâidĂ©e dâhonorer la dĂ©pouille dâun soldat inconnu germe dĂšs 1916. Il est finalement dĂ©cidĂ© dâinhumer ce Soldat inconnu le 11 novembre 1920, deux ans aprĂšs la fin de la Grande Guerre. Câest ainsi que le 10 novembre 1920, Ă Verdun[31], parmi les huit cercueils contenant les corps de huit soldats français non identifiĂ©s, rĂ©cupĂ©rĂ©s dans huit secteurs du front, le soldat Auguste Thin, 21 ans, soldat de deuxiĂšme classe du 132e rĂ©giment dâinfanterie, choisit quel cercueil ira sous lâArc de Triomphe en y dĂ©posant un bouquet dâĆillets que lui avait remis AndrĂ© Maginot, ministre des Pensions[32]. Le cercueil du Soldat inconnu est transportĂ© Ă Paris puis placĂ© sous lâArc de triomphe le 11 novembre 1920, en attendant son inhumation dĂ©finitive le 28 janvier 1921[33]. Pour les combattants du Royaume Uni et du Commonwealth, le coquelicot symbolise les sacrifices de la PremiĂšre Guerre mondiale[34]. Les recettes de la vente servent, maintenant comme alors, Ă rĂ©pondre aux besoins des anciens combattants. La mĂ©moire de cette guerre est aussi utilisĂ©e Ă des fins politiques Dans le cadre de la construction dâune Europe unie porteuse de paix reposant sur le couple franco-allemand », comme ce 22 septembre 1984, oĂč le prĂ©sident français François Mitterrand et le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl assistent main dans la main devant l'ossuaire de Douaumont -Ossuaire et cimetiĂšre de Douaumont Ă une grande cĂ©rĂ©monie Ă la mĂ©moire des victimes des guerres. Dans les relations internationales, par exemple quand la reconnaissance du gĂ©nocide des ArmĂ©niens -RepĂšre dĂ©grade les relations avec la Turquie qui continue de le nier. Reconnu par la France depuis la loi mĂ©morielle -Vocabulaire du 29 janvier 2001, il lâest dĂ©sormais par une trentaine dâĂtats, dont les Ătats-Unis depuis le 29 octobre 2019, ce qui isole diplomatiquement la Turquie. La commĂ©moration du centenaire entre histoire et diplomatie DĂšs 2012 est lancĂ©e en France la mission du centenaire 14-18. Rassemblant des historiens de tous horizons parfois adversaires farouches dans des controverses historiques[35], elle a pour objectif de rendre visibles lâhistoire et les mĂ©moires de la PremiĂšre Guerre mondiale Ă toutes les Ă©chelles, du local Ă lâinternational. Elle initie des projets scientifiques, artistiques, commĂ©moratifs et pĂ©dagogiques. Le travail accompli pendant six ans sâest sâefforcĂ© dâembrasser lâensemble des dimensions de la guerre[36]. Il sâagit de mieux donner Ă voir le caractĂšre mondial de la guerre, trop longtemps Ă©troitement considĂ©rĂ©e comme une affaire strictement europĂ©enne Ă lâoccasion du centenaire, le souvenir de la Grande Guerre est commĂ©morĂ© partout[37], et la place des colonies est rĂ©affirmĂ©e[38]. Ce ne sont pas moins de 72 chefs dâĂtat et dĂ©lĂ©gations qui sont invitĂ©s en France le 11 novembre 2018. Cette commĂ©moration est prĂ©sentĂ©e une Ćuvre de paix ; lors de son discours sous lâArc de Triomphe, la prĂ©sident de la RĂ©publique a exhortĂ© ses invitĂ©s au combat pour la paix » en refusant le repli, la violence et la domination ». AprĂšs le dĂ©jeuner, certains dirigeants se sont rendus au Forum de Paris sur la paix, dont câĂ©tait la premiĂšre Ă©dition[39]. Mais le protocole Ă©tabli par lâĂlysĂ©e a provoquĂ© un incident diplomatique. Le prĂ©sident serbe sâest trouvĂ© placĂ© dans une tribune secondaire, alors que les vaincus de 1918, notamment le prĂ©sident turc Erdogan et la chanceliĂšre allemande Angela Merkel ont eu droit Ă la tribune principale le plus choquant pour les Serbes fut la prĂ©sence dans celle-ci du prĂ©sident du Kosovo. LâĂ©pisode rappelle quâen Serbie, oĂč Gavrilo Princip est honorĂ© comme un hĂ©ros national, lâhistoire de la PremiĂšre Guerre mondiale est demeurĂ©e, au-delĂ dâun objet de mĂ©moire, un enjeu politique majeur -et dâautant plus dans un pays dĂ©chirĂ© et humiliĂ© » par lâĂ©clatement de la Yougoslavie[40]. Conclusion En 1924, le journaliste Ă©crivain Alfred Fabre-Luce Ă©crivait LâAllemagne et lâAutriche ont fait les gestes qui rendaient la guerre possible ; la Triple-Entente a fait ce qui la rendait certaine ». Il rĂ©sume bien la rĂ©alitĂ© dâune guerre dans laquelle sâest prĂ©cipitĂ© le continent europĂ©en sans en mesurer toutes les consĂ©quences. Depuis le dĂ©but du conflit et jusquâĂ aujourdâhui, cette histoire continue de sâĂ©crire, influencĂ©e par les contextes et les nationalitĂ©s de celles et ceux qui lâobservent, par les types et les choix dâarchives consultĂ©es, par les Ă©volutions historiographiques qui privilĂ©gient tour Ă tour histoire militaire, diplomatique, Ă©conomique, sociale et culturelle. Dans cette richesse historiographique et dans les dĂ©bats politiques quâelle traduit et quâelle alimente en retour, les causes de 1914 semblent demeurer, comme lâĂ©crit joliment lâhistorien allemand Joachim KĂ€ppner, un espace dâincertitude historique ». B. MĂ©moires et histoire dâun conflit la guerre dâAlgĂ©rie Jalon MĂ©moires et histoire dâun conflit la guerre dâAlgĂ©rie Introduction Trente ans aprĂšs lâindĂ©pendance algĂ©rienne, on pouvait encore se demander si la guerre d'AlgĂ©rie faisait partie de l'histoire de la France, ou mĂȘme si elle avait jamais eu lieu. En AlgĂ©rie, tout au contraire, celle-ci semblait avoir recommencĂ©, Ă moins qu'elle n'eĂ»t jamais entiĂšrement cessĂ©. D'un cĂŽtĂ© de la MĂ©diterranĂ©e, une absence de mĂ©moire collective, une volontĂ© officielle dâamnĂ©sie. De l'autre, une hyper-commĂ©moration obsessionnelle, allant jusqu'Ă la rĂ©surgence du passĂ© dans l'actualitĂ©. Beaucoup dâhistoriens sâaccordent Ă reconnaitre que les mĂ©moires de ce conflit sont plurielles et cloisonnĂ©es », et ne peuvent donner lieu Ă une mĂ©moire nationale consensuelle[41] ». Chaque groupe entretient sa mĂ©moire et la transmet en dĂ©formant la rĂ©alitĂ© historique. Or, la guerre dâAlgĂ©rie est aussi un enjeu de politique nationale en France et surtout en AlgĂ©rie et de politique internationale entre les deux pays. Ces deux situations opposĂ©es Ă©taient l'une et l'autre dĂ©favorables Ă l'Ă©laboration d'un savoir historique rĂ©pondant aux besoins de mĂ©moire des deux peuples sur cette guerre cruelle. Et pourtant, dans les deux pays, le recours Ă l'histoire est de plus en plus ressenti comme nĂ©cessaire pour aider Ă en guĂ©rir les sĂ©quelles et pour Ă©viter d'en rĂ©pĂ©ter les malheurs. Comment les mĂ©moires de la guerre dâAlgĂ©rie se construisent et se transmettent-elles ? Quelles rĂ©percussions politiques et gĂ©opolitiques nourrissent-elles ? 1. Des mĂ©moires opposĂ©es, parfois antagonistes Ă lâissue de la signature des accords dâĂvian, les EuropĂ©ens dâAlgĂ©rie sont trĂšs vite amenĂ©s Ă prendre le chemin de lâexode vers un pays, le leur, oĂč ils ne se sentent pas chez eux. La dĂ©faite française pose aussi trĂšs vite le problĂšme des harkis, troupes supplĂ©tives de lâarmĂ©e française qui nâont officiellement pas le droit dâĂȘtre recueillis en France. Ainsi, ce sont environ 1 million de pieds-noirs et 40 000 harkis qui arrivent en France et qui construisent et transmettent des mĂ©moires Ă©clatĂ©es. Cet exode est vĂ©cu comme une dĂ©chirure et est entretenue par ces deux communautĂ©s. a. Les mĂ©moires des vaincus Les rapatriĂ©s, ou pieds noirs » Les EuropĂ©ens dâAlgĂ©rie ont vĂ©cu lâindĂ©pendance de lâAlgĂ©rie comme une vĂ©ritable trahison encore vivace aujourdâhui. DâoĂč leur complaisance avec les putschistes ou les membres de lâOAS prĂ©sentĂ©s comme des hĂ©ros » auprĂšs des plus extrĂ©mistes alors que de Gaulle est vu comme un traĂźtre ». Leur ressentiment est nourri par lâaccueil qui leur fut rĂ©servĂ© en France, oĂč ils trouvent au mieux de lâindiffĂ©rence au pire de lâhostilitĂ©. DĂšs lors, beaucoup de rapatriĂ©s -Vocabulaire sâinstallent sur les rives de la MĂ©diterranĂ©e et dĂ©veloppent un sentiment de communautĂ© qui pleure le paradis perdu ». Ils cultivent la nostalgĂ©rie » Ă travers des films comme Le coup de Sirocco » dâAlexandre Arcady ou par des chansons comme Je quitte mon pays » dâEnrico Macias. Plus encore ils dĂ©noncent, comme Thierry Rolando, prĂ©sident du cercle algĂ©rianiste, le fait que lâhistoire de lâAlgĂ©rie française sâest Ă©crite trop souvent sans les français dâAlgĂ©rie »[42]. Cette communautĂ© cultive et transmet toujours aujourdâhui une image de leur AlgĂ©rie idĂ©alisĂ©e et heureuse, et pointe les difficultĂ©s actuelles de lâAlgĂ©rie, tout en occultant les pages sombres de la colonisation et les exactions de lâarmĂ©e française lors de la guerre. Dans certaines rĂ©gions et dans certaines villes, le vote de cette communautĂ© compte et les politiques exploitent le cloisonnement mĂ©moriel Ă des fins politiciennes afin de sâassurer de leurs suffrages[43] monuments mĂ©moriels, noms de lieux publics, cĂ©rĂ©monies, journĂ©es de commĂ©moration... Harkis Lâhistoire des harkis -Vocabulaire membres des troupes supplĂ©tives de lâarmĂ©e française est tragique seuls 40 000 dâentre eux sur 300 000 ont pu gagner la France[44], tandis que nombre de ceux qui sont restĂ©s ont Ă©tĂ© assassinĂ©s. De retour en France, souvent de façon illĂ©gale et avec la complicitĂ© dâofficiers français, ils sont cantonnĂ©s dans des camps prĂ©caires[45] et oubliĂ©s ». JusquâĂ ce que, dĂšs 1975 et Ă plusieurs reprises depuis, les enfants de harkis se rĂ©voltent pour dĂ©noncer le sort rĂ©servĂ© Ă leurs parents par la France. Les descendants de harkis et les harkis eux-mĂȘmes attendent un geste fort du gouvernement français. Aussi, il aura fallu prĂšs de 40 ans pour qu'un prĂ©sident de la RĂ©publique française, Jacques Chirac, reconnaisse enfin publiquement dans la cour des Invalides que la France n'a pas su sauver » ses enfants de la barbarie ». Depuis, chaque PrĂ©sident de la RĂ©publique a apportĂ© sa contribution au travail de vĂ©ritĂ© -ce qui nâexclut pas non plus les arriĂšre-pensĂ©es politiques Ainsi le 14 avril 2012 Ă Perpignan, le prĂ©sident sortant Nicolas Sarkozy admettait la responsabilitĂ© du gouvernement français dans l'abandon d'une partie des harkis». Le 25 septembre 2016, le PrĂ©sident Hollande dĂ©clare au nom de la France » Je reconnais les responsabilitĂ©s des gouvernements français dans l'abandon des Harkis, des massacres de ceux restĂ©s en AlgĂ©rie, et des conditions d'accueil inhumaines des familles transfĂ©rĂ©es dans les camps en France. Telle est la position de la France. » Le 20 septembre 2021, le prĂ©sident Macron annoncĂ© la prĂ©sentation, dâun projet de loi de reconnaissance et de rĂ©paration » La RĂ©publique a contractĂ© Ă leur Ă©gard une dette. Aux combattants, je veux dire leur reconnaissance, nous nâoublierons pas. Aux combattants abandonnĂ©s, Ă leurs familles qui ont subi la prison, je leur demande pardon. Nous nâoublierons pas. Depuis la RĂ©publique sâest ressaisie. Elle sâest engagĂ©e sur la voie de la vĂ©ritĂ© et de la justice. »[46] LâarmĂ©e française Il convient de distinguer les militaires de carriĂšre, des appelĂ©s MobilisĂ©s dans le cadre de leur service militaire, sans ĂȘtre prĂ©parĂ©s Ă lâexpĂ©rience quâils allaient vivre, les appelĂ©s ont vĂ©cu la guerre comme une tragĂ©die et certains ne sâen sont jamais remis. Ils ont assistĂ©, voire participĂ© aux atrocitĂ©s commises. Leurs paroles se libĂšrent dans de nombreux livres et tĂ©moignages. Ils ont jouĂ© un rĂŽle majeur dans lâĂ©chec du putsch[47]. Il nâen va pas de mĂȘme des militaires de carriĂšre. Combattants professionnels aguerris souvent anciens de la guerre dâIndochine, voire de la Seconde Guerre mondiale[48], ils ont largement contribuĂ© Ă porter de Gaulle au pouvoir en 1958 et ont entretenu avec lui des relations complexes[49], jusquâĂ participer Ă une tentative de putsch en 1961. b. Les mĂ©moires des vainqueurs hĂ©ros et martyrs PrĂ©ambule de la constitution algĂ©rienne 2016- En AlgĂ©rie la guerre est hĂ©roĂŻsĂ©e par le FLN -Vocabulaire qui monopolise la victoire, le pouvoir et la mĂ©moire du conflit. Le silence des mĂ©moires dissidentes sâĂ©tablit par lâĂ©limination des rivaux et la falsification de lâhistoire Cf. la lutte entre le FLN et le MNA -Vocabulaire de Messali Hadj, pionnier de la lutte indĂ©pendantiste, qui se solde par lâĂ©limination des Messalistes par le FLN. Ainsi, malgrĂ© lâantĂ©rioritĂ© de son engagement, Messali Hadj disparaĂźt de lâhistoire indĂ©pendantiste, contraint Ă lâexil en France sous la protection ultime humiliation de ceux quâil a combattus. Le FLN devient lâacteur unique de la rĂ©sistance anticoloniale et dĂšs 1954, il recourt Ă la notion religieuse de martyrs » pour cĂ©lĂ©brer les morts de lâALN, dâoĂč le nom du monument Ă©rigĂ© en 1982 au cĆur dâAlger, participant Ă la construction dâune mĂ©moire religieuse de la guerre. Dans ce mythe national et religieux, le bilan est surestimĂ© Ă 1,5 million de morts, alors que la rĂ©alitĂ© serait de lâordre de 250 000. Dans ce contexte, le travail des historiens algĂ©riens est compliquĂ© et il leur est difficile dâinterroger le rĂ©cit officiel de la guerre. Les diverses institutions obĂ©issent aux directives politiques du ministre des Anciens Moudjahidines qui dicte ses orientations aux ministĂšres de lâĂducation nationale et de lâEnseignement supĂ©rieur selon le principe Ă©noncĂ© en 1981 que Lâhistoire ne peut ĂȘtre faite que par ceux qui ont fait la rĂ©volution »[50]. Lâhistoire mise sous surveillance »[51] a nui au travail des historiens algĂ©riens, mĂȘme si des contestations dĂ©noncent lâhistoire officielle et lâusage politique qui en est fait. 2. Des tensions politiques et gĂ©opolitiques La guerre dâAlgĂ©rie alimente encore aujourdâhui des tensions et des prises de position polĂ©miques tant en France que dans les relations franco-algĂ©riennes. a. En France, lâĂtat sâengage dans la reconnaissance de son passĂ©, mais les tensions mĂ©morielles persistent AprĂšs avoir longtemps occultĂ© ce conflit et cru le faire oublier par des lois dâamnistie en 1962 sur les crimes commis pendant le conflit[52], les dirigeants français ont peu Ă peu rĂ©intĂ©grĂ© le conflit et ses consĂ©quences dans la mĂ©moire nationale La loi du 18 octobre 1999 reconnait lâĂ©tat de guerre en AlgĂ©rie et le statut dâanciens combattants aux appelĂ©s. Le 5 dĂ©cembre 2002, Jacques Chirac inaugure le premier mĂ©morial national aux soldats français et aux harkis morts en Afrique du Nord de 1952 Ă 1962[53]. En 2012, François Hollande reconnaĂźt la responsabilitĂ© de lâĂtat dans la rĂ©pression du 17 octobre 1961 -Points de vue Pourquoi et comment reconnaĂźtre le massacre du 17 octobre 1961 ? En 2019, Emmanuel Macron a reconnu la responsabilitĂ© de lâarmĂ©e dans la disparition du militant anticolonialiste et communiste Maurice Audin La reconnaissance officielle de crimes. En juillet 2020, il a commandĂ© un rapport Ă Benjamin Stora en juillet 2020 sur les questions mĂ©morielles portant sur la colonisation, et la guerre dâAlgĂ©rie »[54], rapport remis en janvier par lâhistorien, qui prĂ©conise un certain nombre de mesures, concrĂštes ou symboliques[55]. Lâune dâentre elle est appliquĂ©e dans la foulĂ©e, le 2 mars 2021, quand lâĂlysĂ©e reconnait la responsabilitĂ© de lâarmĂ©e française et donc de lâĂtat dans la disparition dâAli Boumendjel, arrĂȘtĂ©, dĂ©tenu et torturĂ©[56]. Chaque initiative mĂ©morielle rĂ©veille les mĂ©moires antagonistes des diffĂ©rents groupes, pas encore apaisĂ©es et/ou instrumentalisĂ©es. Ainsi en 2005, un projet de loi visant Ă porter reconnaissance de la nation aux Français rapatriĂ©s art. 1 et Ă reconnaitre le rĂŽle positif de la prĂ©sence française » art. 4. Si cet article a reçu le soutien marquĂ© des pieds-noirs, il fut dĂ©noncĂ© par les historiens et par les opposants de la colonisation et finalement supprimĂ©. Ce mouvement antirepentance de rĂ©habilitation du passĂ© colonial » [57] se fait entendre quand sous la prĂ©sidence de François Hollande, le 19 mars est choisi comme journĂ©e nationale du souvenir et du recueillement Ă la mĂ©moire des victimes civiles et militaires de la guerre dâAlgĂ©rie » loi du 6 dĂ©cembre 2012[58]. En effet, le choix de la date divise en raison de lâopposition dâune partie des pieds-noirs et des harkis car sâil sâagit de la date de lâentrĂ©e en vigueur du cessez-le-feu Ă la suite de la signature des accords dâĂvian, qui nâa pas mis fin aux violences[59] Quelle date choisir pour commĂ©morer la fin de la guerre dâAlgĂ©rie en France ? La persistance de ces conflits mĂ©moriels contrarie le cheminement de la France, engagĂ© tardivement, difficilement et encore de maniĂšre incomplĂšte, sur le chemin de la reconnaissance de son passĂ©. b. Des tensions qui affectent les relations franco-algĂ©riennes Ces difficultĂ©s semblent encore plus insurmontables dans le dialogue franco-algĂ©rien. En 2000, Ă la suite de la loi du 19 octobre 1999, le prĂ©sident algĂ©rien Abdelaziz Bouteflika, en voyage officiel en France, exprime devant lâAssemblĂ©e nationale la volontĂ© dâune rĂ©conciliation avec la France, mais les tensions persistent les diffĂ©rends mĂ©moriels semblent insurmontables, y compris quand en 2003, le prĂ©sident français Jacques Chirac sâengage devant le Parlement algĂ©rien Ă libĂ©rer toutes les mĂ©moires et reconnaitre la part de responsabilitĂ© de la France dans cette histoire commune, sans pour autant parler repentance et encore moins excuses. Chemin suivi par Nicolas Sarkozy puis François Hollande. Alors quâil nâĂ©tait encore que candidat fĂ©vrier 2017, Emmanuel Macron dans son interview Ă Echourouk News, le candidat Ă la prĂ©sidentielle est revenu sur la prĂ©sence française en AlgĂ©rie La colonisation fait partie de l'histoire française. C'est un crime, c'est un crime contre l'humanitĂ©, c'est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passĂ© que nous devons regarder en face en prĂ©sentant aussi nos excuses Ă l'Ă©gard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes »[60]. Ces propos ont naturellement provoquĂ© de vives rĂ©actions en France, notamment parmi les rapatriĂ©s. ArrivĂ© au pouvoir, son discours Ă©volue, et dans sa lettre de mission Ă Benjamin Stora juillet 2020, il Ă©crit Je souhaite mâinscrire dans une volontĂ© nouvelle de rĂ©conciliation des peuples français et algĂ©riens. Le sujet de la colonisation et de la guerre dâAlgĂ©rie a trop longtemps entravĂ© la construction entre nos deux pays dâun destin commun en MĂ©diterranĂ©e. ⊠Le devoir de notre gĂ©nĂ©ration est de faire en sorte quâils nâen portent pas les stigmates pour Ă©crire Ă leur tour leur histoire. Ce travail de mĂ©moire, de vĂ©ritĂ© et de rĂ©conciliation, pour nous-mĂȘmes et pour nos liens avec lâAlgĂ©rie, nâest pas achevĂ© et sera poursuivi ». En AlgĂ©rie, le gouvernement rejette toute remise en cause de son histoire officielle et exige des excuses de la part de la France. Ainsi, le gouvernement algĂ©rien a de nouveau rĂ©clamĂ© lundi 8 fĂ©vrier 2021 la reconnaissance des crimes coloniaux » de la France, par la voix de son porte-parole Ammar Belhimer, aprĂšs la publication du rapport de lâhistorien français Benjamin Stora sur la rĂ©conciliation mĂ©morielle entre les deux pays[61]. Or, pour lâinstant, si Emmanuel Macron a accompli des actes symboliques » pour apaiser les mĂ©moires, il a exclu de prĂ©senter les excuses » demandĂ©es par Alger. Conclusion La guerre dâAlgĂ©rie occupe une place particuliĂšre dans lâhistoire de France et de lâAlgĂ©rie et alimente des mĂ©moires cloisonnĂ©es et conflictuelles, qui posent aux responsables politiques de redoutables problĂšmes des deux cĂŽtĂ©s de la MĂ©diterranĂ©e. Comme toujours quand les sociĂ©tĂ©s sont mises en tensions par des mĂ©moires tourmentĂ©es, les historiens ont un rĂŽle de premiĂšre importance Ă jouer pour Ă©clairer voire rĂ©parer le rapport de leurs contemporains Ă leur passĂ© Demain, vers une histoire rĂ©conciliĂ©e ? II. Histoire, mĂ©moire et justice Axe 2 Avec l'Ă©clatement de la Yougoslavie dans les annĂ©es 1990 et le gĂ©nocide perpĂ©trĂ© contre les Tutsi au Rwanda en 1994, la communautĂ© internationale assiste, impuissante, Ă la rĂ©surgence de violences de masse. L'ampleur des crimes commis accĂ©lĂšre la crĂ©ation de juridictions destinĂ©es Ă juger les responsables. Comment la justice, en se saisissant de ces crimes aux Ă©chelles locales, nationales et internationales, peut-elle aider les sociĂ©tĂ©s et les Ătats Ă se reconstruire aprĂšs des conflits majeurs ? A. La construction dâune justice pĂ©nale internationale face aux crimes de masse le tribunal pĂ©nal international pour lâex-Yougoslavie TPIY Le TPIY, en se saisissant de ces crimes de guerre, a-t-il eu un effet sur la construction de la paix et la reconstruction des sociĂ©tĂ©s et des Ătats des Balkans ? 1. Le contexte lâimplosion de la Yougoslavie[62] Au dĂ©but des annĂ©es 1990, la RĂ©publique socialiste fĂ©dĂ©rative de Yougoslavie Ă©tait une fĂ©dĂ©ration constituĂ©e de six rĂ©publiques la Bosnie-HerzĂ©govine, la Croatie, la MacĂ©doine, le MontĂ©nĂ©gro, la Serbie et la SlovĂ©nie. Outre ces six rĂ©publiques, deux rĂ©gions, situĂ©es en Serbie, le Kosovo et la VoĂŻvodine, avaient le statut de province autonome. La Yougoslavie a Ă©tĂ© dirigĂ©e depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale jusquâen 1980 par Tito Josip Broz, un dirigeant opposĂ© Ă Staline et adepte du non-alignement pendant la guerre froide, mais exerçant le pouvoir dâune maniĂšre souvent qualifiĂ©e de stalinienne. Avec la chute du communisme et les rĂ©surgences nationalistes en Europe de lâEst Ă la fin des annĂ©es 1980 et 1990, la Yougoslavie connaĂźt une pĂ©riode de profonde crise politique et Ă©conomique. Le 25 juin 1991, la SlovĂ©nie et la SlovĂ©nie quittent officiellement la fĂ©dĂ©ration yougoslave en proclamant leur indĂ©pendance. Mais, si le retrait des SlovĂšnes de la fĂ©dĂ©ration yougoslave sâest fait pratiquement sans combats, lâimportante minoritĂ© serbe de Croatie refuse de reconnaĂźtre le nouvel Ătat croate, invoquant son droit de demeurer au sein de la Yougoslavie. Les tensions sâaggravent en octobre 1991, quand le parlement de Bosnie-HerzĂ©govine adopte une rĂ©solution de souverainetĂ© ; Radovan Karadzic, le leader des Serbes de Bosnie, prononce alors un discours menaçant et quitte Sarajevo pour Ă©tablir Ă Banja Luka le gouvernement de la Republika Srpska, rattachĂ©e Ă la Yougoslavie. En fĂ©vrier 1992, la Bosnie fait entĂ©riner lâindĂ©pendance bosniaque par rĂ©fĂ©rendum[63]. Le 5 avril 1992, malgrĂ© la reconnaissance de la Bosnie HerzĂ©govine par la communautĂ© internationale, dĂ©bute le siĂšge de Sarajevo par les forces serbes plus prĂ©cisĂ©ment par lâancienne armĂ©e yougoslave, JNA, appuyĂ©e par des groupes paramilitaires ; le siĂšge dure jusquâaux accords de paix de Dayton, nĂ©gociĂ©s en novembre 1995 et signĂ©s Ă Paris le 14 dĂ©cembre 1995. On estime Ă plus de 100 000 le nombre de tuĂ©s dans ce conflit, Ă plusieurs milliers le nombre de femmes bosniaques violĂ©es[64], et Ă deux millions de personnes soit plus de la moitiĂ© de la population le nombre de dĂ©placĂ©s Ă cause de la guerre entre avril 1992 et novembre 1995. Des camps de dĂ©tention sont mis en place par toutes les parties belligĂ©rantes, notamment Ă Prijedor, Omarska, Konjic et Dretelj. LâĂ©pisode le plus sanglant est le massacre en juillet 1995 de 8 000 Bosniaques dans lâenclave de Srebrenica, pourtant placĂ©e sous la protection de lâONU. En lâespace de quelques jours, au dĂ©but du mois de juillet, les femmes et les enfants sont forcĂ©s de quitter la ville, et plus de 8 000 hommes et garçons musulmans de Bosnie sont exĂ©cutĂ©s par les forces serbes. Le TPIY a qualifiĂ© ce crime de gĂ©nocide et a condamnĂ© le gĂ©nĂ©ral Mladic. Des casques bleus nĂ©erlandais ont vu leur responsabilitĂ© retenue pour avoir participĂ© avec les unitĂ©s serbes Ă la sĂ©paration des hommes et des femmes. 2. La mise en place du tribunal et ses effets Ă diffĂ©rentes Ă©chelles Restaurer la paix par la justice + Chronologie Le TPIY est le premier tribunal international chargĂ© de juger des auteurs de crimes de guerre depuis les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo. Sa crĂ©ation a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©e en mai 1993 par lâONU Ă la demande du gouvernement de Bosnie-HerzĂ©govine, Ă la suite du rapport dâune commission dâexperts qui fait Ă©tat de violations massives et systĂ©matiques des droits de lâhomme en Bosnie » La justice comme ultime recours ? Lâarticle 2 de son statut stipule quâil est habilitĂ© Ă poursuivre toute personne accusĂ©e de gĂ©nocide, crimes contre lâhumanitĂ©, violation des lois ou coutumes de guerre, autres infractions graves aux Conventions de GenĂšve⊠Le procĂšs de Radislav Krstic- Entre 1994 et 2017 dernier jugement il met en accusation 161 personnes. AprĂšs lâaudition de 4650 tĂ©moins pendant plus de 10 000 jours de procĂšs, 37 procĂ©dures ont Ă©tĂ© closes ou actes dâaccusation retirĂ©s, 13 personnes ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©es dans les pays de lâex-Yougoslavie pour y ĂȘtre jugĂ©es, 19 ont Ă©tĂ© acquittĂ©es et 90 condamnĂ©es 70% de Serbes, 20% de Croates. Plusieurs chefs dâĂtat et gĂ©nĂ©raux ont Ă©tĂ© mis en cause Slobodan Milosevic, le prĂ©sident de la Serbie, Radovan Karadzic, lâancien prĂ©sident de la RĂ©publique Serbe de Bosnie, et Ratko Mladic, gĂ©nĂ©ral de lâarmĂ©e serbe[65]. Le procĂšs de S. Milosevic pour crimes de guerre, crime contre lâhumanitĂ© et gĂ©nocide, ne sâest pas achevĂ© car lâaccusĂ© est mort en 2006. Mais S. Karadzic a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă 40 ans de prison pour crimes contre lâhumanitĂ© et crimes de guerre. R. Mladic a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă la prison Ă vie pour gĂ©nocide, crime contre lâhumanitĂ© et crime de guerre. Le TPIY est une Ă©tape importante dans la mise en place de la Cour PĂ©nale Internationale, premiĂšre juridiction permanente dĂ©cidĂ©e en 1998 et qui siĂšge depuis 2002. Quatre types de crimes relĂšvent de sa compĂ©tence le gĂ©nocide, les crimes contre lâhumanitĂ© et les crimes de guerre commis aprĂšs le 2 juillet 2002 et depuis 2018 le crime dâagression. 18 juges sont Ă©lus pour un mandat de 9 ans par lâAssemblĂ©e des 122 Ătats qui en font partie. Si la portĂ©e internationale de lâexpĂ©rience du TPIY est indĂ©niable, sa contribution Ă une Ă©ventuelle rĂ©conciliation entre les parties du conflit rĂ©gional reste discutĂ©e -Points de vue La justice du TPIY une justice des vainqueurs ? B. La justice Ă lâĂ©chelle locale les tribunaux gacaca face au gĂ©nocide des Tutsi Jalon AprĂšs le gĂ©nocide au cours duquel un million de Tutsi sont assassinĂ©s en 1994 au Rwanda, les nouvelles autoritĂ©s se heurtent au dĂ©fi de juger les responsables et de refonder la nation. La crĂ©ation, en 2001, des tribunaux gacaca s'inscrit dans la volontĂ© de rendre, par les acteurs du drame, une justice de proximitĂ© intimement liĂ©e aux modalitĂ©s du gĂ©nocide. En quoi les gacaca constituent-ils un processus judiciaire destinĂ© Ă rĂ©concilier la sociĂ©tĂ© rwandaise ? 1. Le gĂ©nocide des Tutsi au Rwanda[66] Il y a vingt ans, entre le 7 avril et le dĂ©but du mois de juillet 1994, huit cent mille Ă un million de Tutsi rwandais sont morts assassinĂ©s. AssassinĂ©s parce quâils Ă©taient tutsi et pour la plupart, assassinĂ©s dĂšs les toutes premiĂšres semaines du gĂ©nocide tant furent grandes lâefficacitĂ© et lâimagination meurtriĂšre des tueurs. Ă lâissue des trois mois de lâimmense massacre, on ne comptait que trois cent mille survivants. »[67] a. La racialisation et les premiers massacres La transformation des Tutsi en groupe ennemi destinĂ© Ă disparaĂźtre dans dâatroces souffrances rĂ©sulte dâun long processus de racialisation de la sociĂ©tĂ© rwandaise depuis lâĂ©poque coloniale allemande puis belge. Les Belges sâappuient sur les Tutsi et marginalisent les Hutus qui dĂ©veloppent la thĂšse de lâorigine Ă©trangĂšre des Tutsis EuropĂ©ens noirs », juifs dâAfrique », cafards »... En 1959, une premiĂšre guerre civile embrase le pays, et elle sâaccompagne de massacres de Tutsi. LâindĂ©pendance du Rwanda 1962 accroit la persĂ©cution la majoritĂ© hutu sâempare du pouvoir avec le soutien de lâĂglise catholique et du colonisateur belge. 300 000 Tutsi fuient en Ouganda et sâorganisent politiquement, formant la base du futur FPR de Paul KagamĂ©[68]. Le rĂ©gime Ă©volue vers une dictature quand en 1973 un coup dâĂtat porte au pouvoir le prĂ©sident JuvĂ©nal Habyarimana soutenu par la France. De nouveaux massacres de Tutsi se produisent en 1990 et 1992. b. La dĂ©mocratisation du Rwanda vers une surenchĂšre extrĂ©miste Lâinstauration du multipartisme en juin 1991 puis la formation dâun gouvernement de coalition en 1992 et lâouverture Ă des nĂ©gociations avec le FPR en Tanzanie se heurtent Ă une surenchĂšre extrĂ©miste. En effet, les accords dâArusha aoĂ»t 1993, qui prĂ©voyaient un partage du pouvoir avec lâopposition modĂ©rĂ©e et le FPR, sont rejetĂ©s par les extrĂ©mistes Hutu. LâĂtat-major des Forces armĂ©es rwandaises FAR Ă©tend son plan dâidentification de lâennemi » datant de 1992 aux Tutsi de lâintĂ©rieur, Ă ceux du FPR et aux Hutu modĂ©rĂ©s. La France renforce son aide militaire au Rwanda. Un nouveau parti extrĂ©miste, le CDR Coalition pour la DĂ©fense de la RĂ©publique est constituĂ© en lien avec la Radio-TĂ©lĂ©vision des Mille Collines. Ce mĂ©dia crĂ©Ă© en 1993 joue un rĂŽle majeur dans la mĂ©canique gĂ©nocidaire. c. Le gĂ©nocide Le 6 avril 1994, le prĂ©sident Habyarimana est tuĂ© dans la destruction de son avion par un missile lancĂ© par les forces rwandaises. Câest le dĂ©but des massacres. En 100 jours, ce sont 800 000 Ă un million de Tutsi et de Hutu modĂ©rĂ©s qui pĂ©rissent. Les modes opĂ©ratoires privilĂ©gient lâarme blanche la machette, les gourdins, les bĂątons. Les viols et tortures sont systĂ©matiques. Des massacres sont commis dans des Ă©glises et des Ă©coles Ă lâappel des prĂȘtres, des instituteurs. Lâextermination se fait mĂ©thodiquement, avec un rendement » comparable Ă celui de la Shoah. Le FPR commandĂ© par Paul KagamĂ© prend rapidement de contrĂŽle dâune partie du pays et parvient Ă stopper le gĂ©nocide. Seule Ă©chappe au FPR la zone humanitaire sĂ»re » contrĂŽlĂ©e par les militaires français de lâopĂ©ration turquoise que lâONU a autorisĂ©e. Le rĂŽle jouĂ© par la France dans le gĂ©nocide a longtemps alimentĂ© les polĂ©miques. Il a rĂ©cemment fait lâobjet dâun rapport, produit Ă la demande du chef de lâĂtat par une commission, sous la direction de lâhistorien Vincent Duclert 2021. Ce document de 1200 pages pointe du doigt les responsabilitĂ©s accablantes », la faillite » et lâ aveuglement » de la France dans cette crise[69]. 2. La rĂ©ponse judiciaire Un gĂ©nocide singulier qui demande une rĂ©ponse singuliĂšre. Deux outils sont crĂ©Ă©s le Tribunal pĂ©nal international pour le Rwanda, crĂ©Ă© le 8 novembre 1994, et des tribunaux rwandais dit gacaca[70] -Vocabulaire Ă©tablis par la loi de 2001[71]. a. La mise en place des gacaca La crĂ©ation des tribunaux gacaca- En 2001, une loi institue les juridictions gacaca. Deux lois suivantes 2004, 2007, amĂ©nagent lâorganisation de ces juridictions. Elles privilĂ©gient les procĂ©dures dâaveu et de plaidoyer de culpabilitĂ© et encouragent lâapplication de peines alternatives Ă lâincarcĂ©ration. Lâune des justifications qui prĂ©side Ă la mise en place des juridictions gacaca rĂ©side dans la volontĂ© affichĂ©e dâĂ©radiquer la culture de lâimpunitĂ© ». Cette dĂ©cision renvoie Ă une loi dâamnistie jadis adoptĂ©e en 1963 pour amnistier tous les auteurs des crimes commis en 1959 lors de la rĂ©volte sociale » anti-tutsi et prĂ©sente les massacres commis contre les Tutsi comme un Ă©vĂ©nement fondamental dans la lutte pour lâindĂ©pendance du pays. b. Une justice horizontale Les juridictions gacaca sont souvent prĂ©sentĂ©es comme la rĂ©surgence dâun modĂšle traditionnel » de rĂšglement des conflits. En fait elles sont bien Ă©loignĂ©es de leurs ancĂȘtres, tant par les crimes quâelles jugent que par les multiples emprunts au rituel judiciaire moderne ce qui compte ici, câest que par leur horizontalitĂ©, ces tribunaux rĂ©pondent Ă la spĂ©cificitĂ© du gĂ©nocide. Audience dâun tribunal gacaca en 2005- Un gĂ©nocide de voisins, une justice de voisins. Les juges ne sont pas des professionnels, on les appelle inyangamugayo, ils sont Ă©lus par leurs communautĂ©s de base et sont souvent des rescapĂ©s ou des tĂ©moins directs[72]. Les survivants et les accusĂ©s ne sont pas reprĂ©sentĂ©s par des avocats les voisins jugent leurs voisins Ă lâĂ©chelle micro-locale. La massivitĂ© de la participation au gĂ©nocide a pour Ă©cho la multiplication des tribunaux gacaca. Les gacaca sâancrent dans une proximitĂ© avec les lieux, les acteurs, la langue Ă la diffĂ©rence du TPIR qui est vertical, Ă distance de lâĂ©vĂšnement. Pas dâestrade, pas de faste, aucun signe surplombant de justice. Une phrase, prononcĂ©e par le procureur de la RĂ©publique devant une foule de prisonniers de la commune de Ntongwe en 2001 condensait le principe de fonctionnement des gacaca Ton procureur sera ton voisin, ton avocat sera ton voisin, ton juge sera ton voisin ». c. TĂ©moignages, aveux et rĂ©sistances La plupart des prĂ©venus avouent une participation directe au massacre, mais le procĂšs permet, grĂące aux tĂ©moignages Des tĂ©moignages pour comprendre le processus gĂ©nocidaire de dĂ©terminer les degrĂ©s dâimplication et de responsabilitĂ©. La procĂ©dure porte une attention particuliĂšre Ă la complicitĂ© », une notion examinĂ©e au mĂȘme titre que le meurtre. En outre, les procĂšs gacaca ont Ă©galement mis Ă jour de nombreuses formes de rĂ©sistances au gĂ©nocide, comme des tentatives de sauvetage de Tutsi par leurs voisins hutu. La justice rendue par les tribunaux gacaca sous le slogan vĂ©ritĂ©, justice, rĂ©conciliation » sont un matĂ©riau prĂ©cieux pour la recherche historique Par leur volume exceptionnel 12 000 tribunaux, 140 000 juges, 60 millions de documents dâarchives, 2 millions de procĂšs Les procĂšs et les verdicts. Par leur nature Le Rwanda a mis en place une entreprise complexe de mise en rĂ©cit judiciaire de lâhistoire du gĂ©nocide qui invite Ă interroger les rapports entre histoire et justice, singuliĂšrement lorsque ces notions sont convoquĂ©es dans la dĂ©finition du dessein politique de la rĂ©conciliation. »[73] Une justice liĂ©e aux modalitĂ©s du gĂ©nocide Mais pour lâheure, toute tentative de bilan paraĂźt prĂ©maturĂ©e. Les effets sociaux du processus gacaca relĂšvent dâune recherche en soi ». HĂ©lĂšne Dumas, 2015 III. Lâhistoire et les mĂ©moires du gĂ©nocide des Juifs et des Tsiganes objet de travail conclusif Introduction Manuel Lâaxe 1 nous a permis dâinterroger les relations entre les mĂ©moires et l'histoire des conflits. Comment se souvient-on des conflits ? Comment les commĂ©morer ? En quoi l'histoire contribue-t-elle Ă apaiser les tensions mĂ©morielles ? Sujets sensibles ayant entraĂźnĂ© de vifs dĂ©bats politiques, les exemples des causes de la PremiĂšre Guerre mondiale ainsi que des mĂ©moires de la guerre d'AlgĂ©rie vous ont permis d'Ă©tudier ces questions. Avec lâaxe 2, nous avons Ă©tudiĂ© comment la justice tente, Ă diffĂ©rentes Ă©chelles, de traduire devant des tribunaux les responsables de crimes de masse et ainsi de contribuer Ă la reconstruction des sociĂ©tĂ©s et Ătats. Si, Ă partir des annĂ©es 1970, une justice transitionnelle se met en place, les crimes commis dans les annĂ©es 1990 en Yougoslavie et au Rwanda accĂ©lĂšrent l'institutionnalisation d'une justice pĂ©nale internationale. Lâobjet de travail conclusif nous conduira Ă Ă©tudier comment le gĂ©nocide des juifs et des Tsiganes -Sinti et Roms. Vocabulaire s'est inscrit dans la mĂ©moire collective de la Seconde Guerre mondiale en Europe et aux Ătats-Unis. Depuis les annĂ©es 1970, l'hommage patriotique aux combattants morts Ă la guerre a fait place Ă un devoir universel de mĂ©moire, cĂ©lĂ©brant les droits de l'Homme et la tolĂ©rance. Comment les mĂ©moires du gĂ©nocide des juifs et des tsiganes se sont-elles transmises depuis 1945 ? A. Lieux de mĂ©moire du gĂ©nocide des Juifs et des Tsiganes 1. Lieux et non-lieux de mĂ©moire Les gĂ©nocides de la Seconde Guerre mondiale reprĂ©sentent, dans le monde occidental, le paroxysme des tourments en tant que supplices et tortures, en tant que souffrances affectives et morales, et, enfin, en tant que souvenir qui continue de hanter nos sociĂ©tĂ©s contemporaines. Le champ mĂ©moriel occupe, depuis le tournant des annĂ©es 1970-1980, de nouvelles fonctions sociales et politiques Ă lâĂ©chelle individuelle et collective, au point que cette pĂ©riode est parfois qualifiĂ©e de Memory Boom -Sondage Au cours de ces dĂ©cennies, la notion de devoir de mĂ©moire » -Vocabulaire sâest progressivement imposĂ©e en France, dans le discours social et politique[74]. Cette Ăšre mĂ©morielle est marquĂ©e par la cohabitation de trois paradigmes fondamentaux Celui des lieux de mĂ©moire » dĂ©veloppĂ© par lâhistorien Pierre Nora -Vocabulaire Celui du travail de mĂ©moire » auquel le philosophe Paul Ricoeur a notamment contribuĂ©. Celui des cadres de la mĂ©moire », issu des rĂ©flexions du sociologue Maurice Halbwachs sur les conditions sociales de la production et de lâĂ©vocation des souvenirs 1925. Toutefois, pour chacun de ces auteurs, la problĂ©matique gĂ©ographique reste secondaire, ce qui est dĂ©concertant car les mĂ©moires, en raison de leur caractĂšre polysĂ©mique, affectent les espaces dans lesquels elles sâenracinent. La mĂ©moire des lieux et les lieux de mĂ©moire constituent un Ă©lĂ©ment clef de cette mĂ©moire collective spatialisation et historicisation sây entremĂȘlent pour lutter contre lâoubli. Lâun des points communs Ă la plupart des gĂ©nocides[75] est que ceux qui les ont perpĂ©trĂ©s ont tout fait pour quâil ne subsiste plus trace de leur crime. Si on ajoute Ă cette destruction des traces la rĂ©ticence Ă des degrĂ©s divers des pouvoirs et des sociĂ©tĂ©s Ă promouvoir la mĂ©moire dâun massacre, assimilable Ă une sorte de dĂ©ni » collectif -Fiches de lecture + Points de vue Fallait-il reconnaĂźtre la responsabilitĂ© de la France dans la dĂ©portation des juifs, on aboutit Ă la conclusion quâil est souvent difficile de faire du lieu dâun gĂ©nocide un lieu de mĂ©moire il est bien souvent presque un non-lieu, tant au niveau des traces matĂ©rielles quâau niveau de la mĂ©moire nationale. De cela, le cas de lâeffacement des traces de la Shoah en Pologne est parfaitement reprĂ©sentatif. En effet, alors que les nazis dĂ©cident de planifier dans le plus grand secret la solution finale de la question juive » Ă la confĂ©rence de Wannsee 20 janvier 1942 et que, dans la foulĂ©e, des grands centres de mise Ă mort sont construits en Pologne Belzec, Sobibor, Treblinka et deux bunkers Ă Auschwitz-Birkenau, Himmler charge lâun des commandants des sections meurtriĂšres Einsatzgruppen, lâarchitecte Paul Blobel, dâ effacer les traces des exĂ©cutions »[76]. Lâeffacement des traces se poursuivit avec la destruction totale des camps de Belzec, Sobibor et Treblinka, et des crĂ©matoires de Birkenau[77]. Ces lieux de mĂ©moire sont restĂ©s peu nombreux jusqu'aux annĂ©es 1970, puis ils se sont multipliĂ©s notamment du fait de lâaction de groupes mĂ©moriels[78] -davantage pour le gĂ©nocide des juifs que pour celui des Tsiganes, malgrĂ© un dĂ©veloppement rĂ©cent de la production historique et mĂ©morielle sur le sujet[79]. Chronologie Les lieux de mĂ©moire peuvent ĂȘtre des lieux dâarrestation, de regroupement ou dâextermination, aux infrastructures du gĂ©nocide des juifs et des Tsiganes, in situ. Ils peuvent aussi avoir Ă©tĂ© implantĂ©s ex situ, dans dâautres lieux, Ă la portĂ©e symbolique plus ou moins prononcĂ©e Paris[80], JĂ©rusalem[81], Washington[82], Berlin[83]. 2. Lieux de mĂ©moire in situ et ex situ histoire, dispositifs et questionnements actuels a. Les musĂ©es-mĂ©moriaux ex situ ĂlĂ©ments substantiels de la mondialisation et de la mĂ©tropolisation, les musĂ©es, gĂ©nĂ©ralement conçus par des starchitectes » renommĂ©s[84], assemblent Ă travers de subtiles mises en scĂšnes les Ă©chelles locales, mondiales et temporelles Lâancrage territorial sâeffectue par le biais de marqueurs, visibles et symboliques Ă la fois arbres[85], murs porteurs de noms⊠Le musĂ©e de Washington jouxte les autres grands mĂ©moriaux et musĂ©es nationaux, sur le cĂ©lĂšbre Mall; 2. Berlin, ville mĂ©moire des gĂ©nocides- le MĂ©morial aux Juifs assassinĂ©s dâEurope et le mĂ©morial aux Sinti et Roms assassinĂ©s, Ă Berlin, cĂŽtoient, au cĆur de la capitale rĂ©unifiĂ©e, la porte de Brandebourg et le bunker dâHitler. Les jumelages entre les musĂ©es mĂ©tropolitains et les musĂ©es installĂ©s sur les centres de mise Ă mort, les prĂȘts et dons dâarchives et dâobjets, les multiples Ă©changes et connexions effectuĂ©s Ă partir des sites Internet des trois plus importants musĂ©es-mĂ©moriaux Yad Vashem, Washington Contre lâintolĂ©rance le musĂ©e de lâHolocauste de Washington et Paris ; la circulation des visiteurs, devenus tĂ©moins, passeurs et porteurs de mĂ©moires Ă lâissue de leurs visites dans les grands musĂ©es-mĂ©moriaux prestigieux au cĆur de villes mondiales, le dĂ©veloppement du tourisme mĂ©moriel et patrimonial contribuent Ă produire des territoires circulatoires de cette mĂ©moire, eux-mĂȘmes producteurs de mĂ©moires collectives. Ces dynamiques circulatoires attĂ©nuent la distance spatiale avec les lieux dâannihilation, entre ici », le musĂ©e et lĂ -bas » les camps. En dĂ©pit de sa dimension europĂ©enne, la Shoah constitue un Ă©vĂ©nement mondial les principaux foyers historiques du judaĂŻsme se sont dĂ©placĂ©s de lâEurope vers lâAmĂ©rique du Nord et IsraĂ«l principalement, mais aussi en Australie, en Afrique du Sud ou en AmĂ©rique latine. Dans ce contexte gĂ©nĂ©ral, lâĂ©dification des musĂ©es-mĂ©moriaux sâorganise principalement autour de trois grandes pĂ©riodes juste aprĂšs la Shoah, puis dans le contexte de la Guerre froide, de la Guerre des Six Jours et de celle du Kippour, et enfin dans le contexte de la chute du Mur et de lâeffondrement du Rideau de fer[86]. b. Les musĂ©es-mĂ©moriaux in situ En 1947, le site d'Auschwitz-Birkenau en Pologne, Ă lâOuest de Cracovie, Ă proximitĂ© de la frontiĂšre tchĂšque est devenu un musĂ©e. Il est alors devenu un lieu de mĂ©moire, de pĂ©dagogie, de transmission, mais aussi le thĂ©Ăątre d'affrontements de mĂ©moires concurrentes catholique, communiste et rĂ©sistante, juive Conflits mĂ©moriels Ă Auschwitz. Qu'Auschwitz soit devenu un musĂ©e, dans sa dĂ©nomination comme dans sa rĂ©alitĂ©, est en soi incongru. Si un musĂ©e, en effet, a pour objectif de conserver et de montrer au public des Ćuvres d'art, produits de la culture, celui d'Auschwitz tĂ©moigne d'une Ă©clipse dans la culture, d'un Ă©pisode de dĂ©civilisation. Un tel Ă©tablissement Ă©tait sans prĂ©cĂ©dent, mais la fin de la Seconde Guerre mondiale a vu se dessiner un mouvement de conservation des tĂ©moins de la barbarie »[87]. Ă des Ă©chelles plus modestes que les musĂ©es-mĂ©moriaux de renommĂ©e mondiale, de multiples initiatives sont Ă lâorigine de nombreux musĂ©es-mĂ©moriaux, par exemple en France Le site-mĂ©morial du camp des Milles[88] Bouches-du-RhĂŽne. Le camp de Gurs PyrĂ©nĂ©es atlantiques[89]. Le MĂ©morial des enfants juifs exterminĂ©s de la Maison dâIzieu[90] Ain. Le mĂ©morial du camp de Rivesaltes[91] PyrĂ©nĂ©es orientales. Le lieu de mĂ©moire du Chambon-sur-Lignon[92] Haute-Loire, etc. âŠce qui nâempĂȘche pas certains sites dâĂȘtre abandonnĂ©s Ă un injustifiable oubli, comme le camp tsigane de Montreuil-Bellay[93]. Les musĂ©es-mĂ©moriaux in situ sont des lieux oĂč des Ă©motions la terreur, la peur, l'Ă©pouvante ont Ă©tĂ© produites et subies. Leurs mises en tourisme s'appuient sur ces Ă©motions, pour les faire connaĂźtre et s'en souvenir, en fondant une relation lieu-histoire-mĂ©moire accessibles par la visite. Les Ă©motions constituent, ce faisant, la modalitĂ© humaine Ă©vidente pour rattacher un moment politique majeur d'inhumanitĂ© Ă un prĂ©sent d'expĂ©riences individuelles et collectives. Ces lieux historiques sont donc devenus des dispositifs spatiaux touristiques. Le principal vecteur de mĂ©diation mobilisĂ© aujourd'hui par la mise en tourisme des lieux de mĂ©moire douloureuse est celui de l'expĂ©rience qui vise Ă immerger le touriste dans un espace-temps oĂč il expĂ©rimente, et Ă©prouve le lieu, au double sens de ressentir et de mettre Ă l'Ă©preuve. Le registre de lâĂ©motion fait donc partie de lâactuelle panoplie professionnelle et opĂ©rationnelle de la mise en tourisme les corps et les affects dĂšs lors mobilisĂ©s dans et par la mĂ©diation entre des lieux et des publics, et les lieux de mĂ©moire douloureuse nây Ă©chappent pas, ce qui ne va pas sans soulever quelques questionnements historiques et Ă©thiques[94]. Quels que soient leurs lieux dâĂ©dification, in situ comme ex situ, par lâĂ©motion suscitĂ©e et au-delĂ de lâĂ©motion suscitĂ©e, les lieux de mĂ©moire se voient assigner plusieurs fonctions Une fonction mĂ©morielle assurer la transmission de la mĂ©moire des gĂ©nocides. Une fonction pĂ©dagogique sâadresser aux jeunes gĂ©nĂ©rations pour les associer au devoir de mĂ©moire. Une fonction politique mettre en garde, enraciner les valeurs de la dĂ©mocratie et des droits de lâhomme. B. Juger les crimes nazis aprĂšs Nuremberg Il sâagit de montrer comment des Ătats ou des individus ont pu engager des actions en justice aprĂšs la guerre[95]. Il sâagit surtout de montrer comment les sociĂ©tĂ©s ont fait face Ă leur passĂ© Ă lâoccasion de ces procĂšs, comment la justice sâest appuyĂ©e sur la recherche historique et a contribuĂ© Ă lâĂ©volution des mĂ©moires des Ă©vĂšnements de la Seconde Guerre mondiale. Ces procĂšs mĂ©moriels » ont contribuĂ© Ă ancrer dans la sociĂ©tĂ© lâidĂ©e dâun devoir de mĂ©moire -Vocabulaire notamment en France Ă la fin des annĂ©es 1980 et au dĂ©but des annĂ©es 1990. Quel rĂŽle les procĂšs mĂ©moriels ont-ils jouĂ© dans la transmission de la mĂ©moire de la Shoah ? 1. Juger les crimes nazis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale AprĂšs Nuremberg, des tribunaux internationaux et nationaux jugent une partie des principaux criminels nazis. Les procĂšs qui ont suivi sont souvent dĂ©signĂ©s collectivement par l'expression les autres procĂšs de Nuremberg », sous lâautoritĂ© des quatre forces alliĂ©es qui occupaient l'Allemagne Ătats-Unis, Grande-Bretagne, France et Union soviĂ©tique, concernent des fonctionnaires et des officiers de rang infĂ©rieur, comme les commandants des camps, ainsi que d'autres responsables de crimes ou de persĂ©cutions contre des populations dans les zones dĂ©sormais occupĂ©es par les AlliĂ©s. Entre dĂ©cembre 1946 et 1949[96], tandis que des tribunaux militaires anglais jugent les principaux responsables du camp de RavensbrĂŒck dĂ©cembre 1946-mars 1947, les procureurs amĂ©ricains jugent 177 personnes et condamnent 97 accusĂ©s, dont des mĂ©decins[97], des membres des Einsatzgruppen et du Haut Commandement militaire allemands, ainsi que d'importants industriels allemands. Par ailleurs, de nombreux pays occupĂ©s par l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale Pologne, TchĂ©coslovaquie, Union soviĂ©tique, Hongrie, Roumanie, France, etc. jugent des milliers d'accusĂ©s, allemands et collaborateurs nationaux. Câest dans ce cadre que Rudolf Höss, le commandant du camp dâAuschwitz, est livrĂ© par les alliĂ©s au Tribunal national suprĂȘme polonais. CondamnĂ© Ă mort, il est emmenĂ© Ă Auschwitz pour son exĂ©cution par pendaison en avril 1947. 2. Le tournant du procĂšs Eichmann avril-dĂ©cembre 1961 Chronologie a. Ătat des lieux Ă la veille du procĂšs IsraĂ«l compte en 1949 plus de 350 000 survivants du gĂ©nocide, soit un IsraĂ©lien sur trois. Il n'existe alors pas pour autant de rĂ©cits partagĂ©s, individuels ou collectifs, de la Shoah comme ailleurs, les survivants avaient appris Ă se taire. La fin des annĂ©es 1950 atteste un intĂ©rĂȘt nouveau pour le gĂ©nocide des Juifs. En IsraĂ«l dâabord, oĂč les autoritĂ©s avaient dessinĂ© au fil des annĂ©es un ensemble de dispositions lĂ©gislatives en lien avec le gĂ©nocide 1950 adoption dâune loi destinĂ©e Ă rĂ©primer les crimes commis durant la pĂ©riode nazie[98]. 1953 adoption dâune loi actant la crĂ©ation du mĂ©morial de Yad Vashem. 1953 crĂ©ation du titre de Juste -Vocabulaire parmi les nations » pour ceux qui avaient, au pĂ©ril de leur vie et sans compensation financiĂšre, sauvĂ© des Juifs. 1959 crĂ©ation du Yom Hashoah, le jour de la Shoah 8 avril[99]. Cet intĂ©rĂȘt nouveau pour le gĂ©nocide se manifeste aussi hors dâIsraĂ«l de diverses maniĂšres, par exemple en France[100], ou encore en Allemagne c'est le procureur gĂ©nĂ©ral de l'Ătat de Hesse Fritz Bauer[101] qui signale aux autoritĂ©s israĂ©liennes dĂ©cembre 1959 la prĂ©sence dâAdolf Eichmann Ă Buenos Aires, sous une fausse identitĂ©. b. Le procĂšs Eichmann RepĂšre En mai 1960, Eichmann est repĂ©rĂ© en Argentine et enlevĂ© par les services secrets israĂ©liens, qui le transportent en IsraĂ«l pour y ĂȘtre jugĂ©. En mĂȘme temps qu'on prĂ©pare le procĂšs, on organise sa mĂ©diatisation rĂ©partition des places[102], communication. David Ben Gourion, le Premier ministre israĂ©lien, considĂšre ce procĂšs comme le Nuremberg du peuple juif » et souhaite en faire un Ă©vĂ©nement mĂ©diatique Ă des fins de politique intĂ©rieure comme de politique internationale. Pour les trĂšs nombreux journalistes, une salle de presse avec tĂ©lĂ©scripteurs, tĂ©lĂ©phones, circuit intĂ©rieur de tĂ©lĂ©vision a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©e. Tous les jours, les minutes du procĂšs leur sont distribuĂ©es en quatre langues hĂ©breu, allemand, anglais, français. Le procĂšs est presque intĂ©gralement filmĂ© pour les tĂ©lĂ©visions du monde entier[103], par quatre opĂ©rateurs israĂ©liens formĂ©s et supervisĂ©s par le documentariste amĂ©ricain Leo Hurwitz, qui bĂ©nĂ©ficie d'Ă©quipements Ă la pointe du progrĂšs premiers magnĂ©toscopes Ă l'Ă©poque, camĂ©ras Marconi. Le procĂšs s'ouvre le 11 avril 1961. Il est prĂ©sidĂ© par trois juges Moshe Landau, Benjamin Halevy et Yitzhak Raveh. Le procureur est Gideon Hausner, et Adolf Eichmann est dĂ©fendu par l'avocat allemand Robert Servatius. Dans son rĂ©quisitoire, le procureur prĂ©sente Eichmann comme lâarchitecte » dâun gĂ©nocide au fonctionnement parfaitement centralisĂ©, avec des directives partant de Berlin vers les lieux de mise Ă mort une vision aujourd'hui obsolĂšte, et un monstre dĂ©cisionnaire de toute l'entreprise d'extermination[104]. Il a surtout dĂ©cidĂ© de faire reposer l'acte d'accusation non seulement sur les piĂšces Ă conviction, mais aussi sur les dĂ©positions des tĂ©moins 111 dĂ©positions, dont beaucoup nâavaient eu aucun rapport direct avec Eichmann ou ses actes[105] le procĂšs Eichmann marque ainsi l'avĂšnement du tĂ©moin. Dâailleurs, aprĂšs le procĂšs, la collecte et la publication des souvenirs de survivants se multiplient. Geoffrey Hartman dirige la premiĂšre collecte de tĂ©moignages de survivants enregistrĂ©s en vidĂ©o[106], la Fortunoff Video Archive for Holocaust Testimonies de l'universitĂ© de Yale oĂč il enseignait la littĂ©rature comparĂ©e[107]. Eichmann comparaĂźt pour quinze chefs d'accusation, qui peuvent ĂȘtre regroupĂ©s en quatre catĂ©gories crimes contre le peuple juif chefs dâinculpation 1-4 ; crimes contre lâhumanitĂ© 5-7, 9-12 ; crimes de guerre 8 ; participation Ă une organisation hostile 13-15. La ligne de dĂ©fense dâAdolf Eichmann consiste Ă affirmer n'avoir rien fait d'autre quâobĂ©ir aux ordres. DĂ©clarĂ© coupable pour tous les chefs d'inculpation aprĂšs un procĂšs qui dure huit mois, il est condamnĂ© Ă mort en premiĂšre instance le 11 dĂ©cembre 1961 -verdict confirmĂ© en appel le 28 mars 1962. AprĂšs le rejet de son recours en grĂące auprĂšs du prĂ©sident israĂ©lien, Yitzhak Ben-Zvi, Eichmann est pendu le 31 mai 1962, dans la cour de sa prison. c. Un effet de catalyseur Le procĂšs est un Ă©vĂ©nement mĂ©diatique mondial. En faisant pour la premiĂšre fois du gĂ©nocide des Juifs une entitĂ© distincte de la criminalitĂ© nazie dans la Seconde Guerre mondiale, le procĂšs Eichmann crĂ©e une demande sociale de tĂ©moignage et installe la Shoah dans lâhistoire, dans la conscience collective, et dans l'espace public. Au-delĂ d'IsraĂ«l, oĂč sâopĂšre une vĂ©ritable catharsis[108], mais aussi aux Ătats-Unis oĂč vit la communautĂ© juive la plus nombreuse et en Europe, on assiste Ă la faveur du procĂšs Eichmann Ă une cristallisation de la mĂ©moire de la Shoah. IsraĂ«l sâimpose alors comme le centre de la mĂ©moire du gĂ©nocide[109], et comme le protecteur de tous les Juifs du monde -Cf. loi de 1950 selon laquelle la nation israĂ©lienne jugeant des crimes contre le peuple juif » n'est pas diffĂ©rente, par exemple, de la nation française jugeant des crimes contre les Français ou de la nation polonaise jugeant des crimes contre les Polonais. Les choses changent lentement Ă la fin des annĂ©es 1970. Le centre de la mĂ©moire se dĂ©place insensiblement d'IsraĂ«l vers les Ătats-Unis en s'amĂ©ricanisant et en s'universalisant. Les Ătats-Unis sont dĂ©sormais un pays oĂč les chaires dâ Holocaust studies » et les mĂ©moriaux se comptent par centaines, un pays qui produit, avec l'Allemagne, les recherches historique les plus importantes, un pays aussi dans lequel l' Holocauste » a Ă©tĂ© intĂ©grĂ© Ă la culture et Ă l'ethos national. Ce procĂšs dessine les modalitĂ©s de la prĂ©sence de la Shoah dans l'espace public et les thĂšmes des dĂ©bats pour les dĂ©cennies Ă venir ImprescriptibilitĂ© des crimes contre l'humanitĂ© Ă l'approche de la date fatidique de 1965 vingt ans aprĂšs Nuremberg, on s'Ă©meut Ă l'idĂ©e que certains criminels pourraient rĂ©apparaĂźtre sans ĂȘtre l'objet d'aucun jugement. Ă des dates variables 1964 pour la France par dĂ©cision unanime du Parlement, le crime contre l'humanitĂ© devient imprescriptible. Multiplication des procĂ©dures juridiques en Allemagne, contre les plus proches collaborateurs dâEichmann[110], contre des nazis affectĂ©s aux camps d'Auschwitz[111]... 3. AprĂšs Eichmann, la multiplication des procĂšs AprĂšs le Tribunal militaire de Nuremberg, d'autres procĂšs ont Ă©tĂ© organisĂ©s contre les criminels de guerre nazis. Toutefois le contexte de la guerre froide, les enjeux liĂ©s Ă la reconstruction de l'Europe et des prĂ©occupations politiques limitent la portĂ©e de la justice mise en Ćuvre contre les criminels nazis[112]. Certains gouvernements, des descendants de victimes ou des associations participent Ă la traque contre l'impunitĂ©[113], et contribuent Ă sensibiliser l'opinion publique. De nouveaux procĂšs marquent alors une rupture historique et mĂ©morielle, contribuant Ă la transmission d'une mĂ©moire juive de la dĂ©portation et accordant une place centrale aux tĂ©moins. La RĂ©publique fĂ©dĂ©rale dâAllemagne amorce dĂšs les annĂ©es 1950 un processus de rĂ©parations envers les victimes juives[114] -et non aux Tsiganes, sous prĂ©texte quâils auraient Ă©tĂ© persĂ©cutĂ©s comme asociaux » et non au titre des lois raciales. Bon nombre de criminels nazis Ă©chappent encore Ă la justice et la sociĂ©tĂ© allemande semble longtemps peu disposĂ©e Ă faire face Ă son passĂ©. La crĂ©ation, en 1958, du Service central dâenquĂȘte sur les crimes nationaux-socialistes -Vocabulaire de Ludwigsburg permet de nouvelles enquĂȘtes. En 1961, le juif autrichien Simon Wiesenthal, survivant de la Shoah, fonde Ă Vienne un centre de documentation chargĂ© de traquer les criminels en fuite. En France, malgrĂ© la reconnaissance de l'imprescriptibilitĂ© du crime contre l'humanitĂ© en 1964, ce n'est que dans les annĂ©es 1980 que sont engagĂ©es des procĂ©dures judiciaires contre certains responsables des persĂ©cutions antisĂ©mites. AprĂšs la condamnation de Klaus Barbie -RepĂšre + les procĂšs engagĂ©s contre des Français collaborateurs Maurice Papon, Paul Touvier -RepĂšre sont trĂšs mĂ©diatisĂ©s et marquent une Ă©tape importante dans l'Ă©volution de la mĂ©moire de la France occupĂ©e -mĂȘme si lâintĂ©rĂȘt de ces procĂšs peut ĂȘtre interrogĂ© La justice et lâhistoire + Faut-il encore juger des criminels nazis ? C. Les gĂ©nocides de la Seconde Guerre mondiale dans la littĂ©rature et le cinĂ©ma La production culturelle est dans une large mesure le miroir des tensions et des traumatismes qui traversent les sociĂ©tĂ©s contemporaines. Il est donc logique que des expĂ©riences aussi paroxysmiques que les gĂ©nocides de la Seconde Guerre mondiale marquent de leur empreinte la crĂ©ation littĂ©raire et cinĂ©matographique. Que nous rĂ©vĂšle la production cinĂ©matographique et littĂ©raire sur notre rapport Ă ce passĂ© ? 1. GĂ©nocides et littĂ©rature DĂšs le lendemain de la guerre se pose la question de la transmission. De nombreux survivants prennent la parole et Ă©crivent. Certains ouvrages relĂšvent du tĂ©moignage explicite, d'autres utilisent le mode de la fiction. Toutefois le langage ne permet pas toujours d'exprimer la violence vĂ©cue et d'ĂȘtre entendu. Le nombre de publications connaĂźt une augmentation Ă partir du milieu des annĂ©es 1970. D'anciens ouvrages sont rĂ©Ă©ditĂ©s, des tĂ©moignages nouveaux apparaissent, la littĂ©rature s'empare davantage de la Shoah comme sujet de fiction. Les Ćuvres abordĂ©es ici nâen sont quâun Ă©chantillon Ă©videmment non exhaustif, destinĂ© Ă fournir des exemples significatifs, mais susceptible dâĂȘtre complĂ©tĂ© et enrichi[115]. a. Si câest un homme Primo Levi, 1947 Le succĂšs tardif de Si câest un homme- Comme le montre lâexemple de Primo Levi, les survivants des camps nazis ont bien cherchĂ© Ă tĂ©moigner de lâenfer quâils avaient vĂ©cu dĂšs les lendemains de la guerre. Les conditions de vie restant toutefois trĂšs difficiles dans les annĂ©es qui suivent la guerre, les contemporains ont dâautres prioritĂ©s et la mĂ©moire de la Seconde Guerre mondiale est avant tout centrĂ©e sur celle des combattants et des rĂ©sistants, refoulant celle des dĂ©portĂ©s raciaux ». Parmi les dĂ©portĂ©s revenus de lâenfer concentrationnaire, les juifs sont trĂšs minoritaires et beaucoup dâentre eux doivent surmonter le sentiment de culpabilitĂ© dâavoir survĂ©cu. La parole des dĂ©portĂ©s ne se rĂ©pand donc guĂšre au-delĂ du cercle restreint des associations juives de survivants. PubliĂ© dĂšs 1947, le livre de Primo Levi ne connaĂźt ainsi quâune diffusion trĂšs limitĂ©e dans un premier temps. Ce nâest quâĂ partir de la fin des annĂ©es 1950 que lâopinion se montre plus rĂ©ceptive au rĂ©cit des survivants. En 1958, la seconde publication de Si câest un homme par un grand Ă©diteur italien Einaudi, le Gallimard italien », qui lâavait refusĂ© initialement rencontre une plus large diffusion dâabord en Italie puis Ă lâĂ©chelle internationale dans les annĂ©es 1980, et accĂšde Ă une large reconnaissance comme lâun des plus grands tĂ©moignages littĂ©raires sur la Shoah. Pendant tout ce temps, Primo Levi joue le rĂŽle de lâinfatigable tĂ©moin, se rendant dans les Ă©coles, et poussant aussi loin que possible â souvent seul â sa rĂ©flexion sur la dĂ©portation. Il profitera peu de cette reconnaissance tardive en 1987, ĂągĂ© de 66 ans, dĂ©pressif, il a de moins en moins la force dâexpliquer lâinexplicable et se suicide en se jetant dans la cage dâescalier de son immeuble turinois. b. Vie et Destin Vassili Grossman, 1961 Construit sur le modĂšle de Guerre et paix de TolstoĂŻ, le livre retrace le destin dâune famille pendant la guerre. De Moscou aux ruines de Stalingrad, des ghettos ukrainiens au goulag, des champs de bataille aux chambres Ă gaz, câest une grande Ă©popĂ©e Ă©crite Ă hauteur dâhommes, peuplĂ©e de hĂ©ros ordinaires et de tyrans, de personnages historiques et dâanonymes. Grossman, qui fut longtemps un Ă©crivain zĂ©lĂ© au service de la construction de lâhomme soviĂ©tique il est reporter de guerre pour le journal LâĂ©toile rouge et lâauteur en 1942 du roman patriotique Le peuple est immortel, [âŠ] expose les rouages de lâimplacable machine totalitaire et dĂ©nonce la perversion de lâidĂ©al de 1917, Ă©tablissant un parallĂšle entre nazisme et stalinisme. Câest Ă©galement le roman dâun homme qui a redĂ©couvert sa judĂ©itĂ© aprĂšs lâassassinat de sa mĂšre par les Einsatzgruppen en Ukraine en septembre 1941, et qui livre quelques-unes des pages les plus bouleversantes jamais Ă©crites sur la Shoah[116]. c. Maus Art Spiegelman, 1986 La Shoah en bande-dessinĂ©e- Le dessinateur amĂ©ricain Art Spiegelman rapporte le rĂ©cit de la vie de son pĂšre, dĂ©portĂ© Ă Auschwitz avant dâĂ©migrer aux Ătats-Unis. Ce pĂšre nâavait consenti quâavec rĂ©ticence Ă Ă©voquer son passĂ© douloureux. La narration entremĂȘle deux Ă©poques, celle de la guerre et celle pendant laquelle Art Spiegelman plonge dans lâhistoire de sa famille en interrogeant son pĂšre. ConstituĂ© de planches en noir et blanc, Maus reprĂ©sente les juifs en souris et les nazis en chats, dâoĂč le titre de lâouvrage. Il a Ă©tĂ© publiĂ© en sĂ©rie de 1980 Ă 1991 dans une revue avant-gardiste de comics fondĂ©e par Art Spiegelman et sa femme. La sĂ©rie a Ă©tĂ© ensuite rĂ©unie en un mĂȘme ouvrage, qui, fait sans prĂ©cĂ©dent pour une bande dessinĂ©e, obtient le prix Pulitzer aux ĂtatsâUnis en 1992. Le succĂšs de cet ouvrage participe de lâintĂ©gration de la Shoah, jusquâalors perçue comme un Ă©vĂ©nement principalement europĂ©en, Ă la mĂ©moire amĂ©ricaine. 2. GĂ©nocides et cinĂ©ma La production cinĂ©matographique au sujet du gĂ©nocide des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale est abondante. a. Du documentaire⊠Les Ă©crans sont aussi un support d'histoire et de mĂ©moire. Ă l'origine, les actualitĂ©s cinĂ©matographiques et les cinĂ©astes mobilisent les images d'archives pour rendre compte. Ces images accompagnent les procĂ©dures judiciaires et sont une source d'histoire comme l'illustre le film Nuit et Brouillard d'Alain Resnais. Nuit et Brouillard Alain Resnais, 1955 Le documentaire tire son nom du programme hitlĂ©rien Nacht und Nebel, lui-mĂȘme baptisĂ© ainsi en souvenir de la mythologie allemande, revisitĂ©e par Wagner[117]. Hitler reprend cette expression pour dĂ©signer le programme visant Ă dĂ©porter et faire disparaĂźtre les opposants au rĂ©gime sans laisser de trace. CommandĂ© en 1954 par le ComitĂ© d'histoire de la Seconde Guerre mondiale, le film 32 min associe documents d'archives en noir et blanc, images en couleur tournĂ©es Ă Auschwitz. Le commentaire en voix off Ă©crit par jean Cayrol, ancien rĂ©sistant dĂ©portĂ© Ă Mauthausen, est dit de façon dĂ©tachĂ©e par Michel Bouquet. Le film joue un rĂŽle essentiel dans la reprĂ©sentation du systĂšme concentrationnaire nazi, mais ne distingue pas les camps de concentration » des camps d'extermination ». Ă cet Ă©gard, il est conforme Ă la vision de la dĂ©portation essentiellement politique et rĂ©sistante qui dominait dans les annĂ©es 1950-1960. MalgrĂ© les nombreuses images qui l'Ă©voquent, le sort des dĂ©portĂ©s juifs ou tsiganes n'est pas prĂ©sentĂ© spĂ©cifiquement. b. âŠAu tĂ©moignage⊠En mĂȘme temps s'impose progressivement la figure du tĂ©moin et du survivant. Mise en avant en 1969 par Marcel OphĂŒls dans Le chagrin et la pitiĂ©, elle est Ă©galement centrale dans Shoah de Claude Lanzmann en 1985. Le chagrin et la pitiĂ© Marcel OphĂŒls, 1969 Marcel OphĂŒls fait la chronique dâune ville française sous lâOccupation, Clermont-Ferrand, reprĂ©sentative de lâĂ©poque. Il sâagit en effet dâune ville Ă la fois occupĂ©e, pĂ©tainiste et qui a servi de plaque tournante Ă la RĂ©sistance. Ă ce titre, elle illustre parfaitement la complexitĂ© de la rĂ©alitĂ© française. Le cinĂ©aste a rĂ©alisĂ© quatre heures et demie dâun montage de documents divers interviews, actualitĂ©s, photos, discours, montage dont la cohĂ©rence sâimpose peu Ă peu aux yeux du spectateur. Son documentaire, initialement destinĂ© Ă lâORTF, ne sera finalement diffusĂ© Ă la tĂ©lĂ©vision quâaprĂšs 1981[118]. Shoah Claude Lanzmann, 1985 Shoah 1985, le dĂ©fi » de Claude Lanzmann- Câest un film au prĂ©sent et en couleurs, qui offre une tout autre violence que celle du spectacle des charniers neuf heures de tĂ©moignages directs. DiffĂ©rentes catĂ©gories de tĂ©moins sont prĂ©sentes des survivants encore hallucinĂ©s par ce quâils ont vĂ©cu, des anciens SS niant toute responsabilitĂ©, des Polonais dâAuschwitz ou de Birkenau, enfin des rescapĂ©s ayant appartenu aux Sonderkommandos tĂ©moignant des atrocitĂ©s quâils ont vues. PrĂ©parĂ© et filmĂ© pendant douze ans, ce film est un combat contre le temps et lâoubli[119] ; il sâemploie Ă abolir le temps, Ă ressusciter lâĂ©vĂ©nement dans toute son horreur. Le gĂ©nocide est un crime tellement inouĂŻ quâil est entrĂ© dans la lĂ©gende, et Claude Lanzmann a voulu lâen sortir et lui redonner toute sa rĂ©alitĂ© concrĂšte, en nous transportant sur les lieux faussement tranquilles oĂč vivent encore les tĂ©moins et les acteurs du massacre. Faire parler ces tĂ©moins malgrĂ© leur souffrance, câest retrouver la conscience vivante des crimes passĂ©s et enfouis dans les mĂ©moires. La mĂ©thode Lanzmann sâinspire de celle de Marcel OphĂŒls, mais la radicalise et la sublime. Le cinĂ©aste pousse ainsi les tĂ©moins jusque dans leurs derniers retranchements, arrachant des paroles involontairement auto-accusatrices aux Polonais et aux anciens nazis et des souvenirs torturants Ă certains survivants. Personne ne rencontre personne dans Shoah, mais les tĂ©moignages se rĂ©pondent et sâenchaĂźnent grĂące Ă un montage gĂ©nial qui restitue lâeffroyable engrenage. On peut reprocher Ă C. Lanzmann dâavoir torturĂ© les survivants de camps par ses questions[120], mais il leur fait prendre conscience de lâimportance de leur tĂ©moignage, du rĂŽle quâils assument dans le grand processus de la reconstitution et de la mĂ©moire. Shoah est une incomparable leçon dâhistoire et une initiation parfaite Ă la mĂ©thode de la recherche historique. Mais il pose Ă©galement le problĂšme sensible du documentaire, qui, loin dâĂȘtre enregistrement pur et simple de la rĂ©alitĂ©, est toujours prĂ©paration, rĂ©pĂ©tition, mise en scĂšne. Si les images du film ressemblent Ă des images vidĂ©o, apparemment filmĂ©es sur le vif, il faut savoir quâelles ne le sont pas. Le montage est la signature de ce film, qui est Ă la fois une preuve irrĂ©futable, un irremplaçable document historique et un hommage Ă tous ces hommes et ces femmes disparus dont le souvenir devrait servir Ă rendre impossible le retour de telles horreurs. Mais surtout câest un chef-dâĆuvre du septiĂšme art, dont la forme a Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment Ă©laborĂ©e de maniĂšre Ă ĂȘtre la mieux adaptĂ©e possible Ă son contenu et Ă son message, ce qui explique son efficacitĂ©. c. âŠpuis Ă la fiction Les gĂ©nocides de la Seconde Guerre mondiale ont Ă©tĂ© le support dâune trĂšs importante et trĂšs diverse production de fictions, qui a suscitĂ© de riches dĂ©bats sur la question de la reprĂ©sentation de lâhorreur est-ce acceptable » ? Cela ne conduit-il pas Ă une banalisation ou une esthĂ©tisation de la violence ? et du genre que cette reprĂ©sentation pouvait prendre peut-on produire des comĂ©dies sur ce thĂšme ?[121]. Au revoir les enfants Louis Malle, 1987 Louis Malle Ă©voque dans ce film largement autobiographique sa scolaritĂ© pendant la Seconde Guerre mondiale dans une Ă©cole catholique et son amitiĂ© avec un jeune juif, cachĂ© par les prĂȘtres au pĂ©ril de leur vie. Câest sans doute ce matin glacial de 1944 oĂč, dans le collĂšge des Carmes dâAvon, prĂšs de Fontainebleau, les Allemands sont venus chercher son camarade et lâont emmenĂ© sous ses yeux qui est Ă lâorigine de sa vocation cinĂ©matographique. Dans Au revoir les enfants, Louis Malle essaie de transmettre sa vision du monde et de montrer la brutale destruction du paradis de lâenfance. Le monde des adultes, câest dâabord la souffrance dâĂȘtre sĂ©parĂ© de sa mĂšre, mais câest surtout la guerre pĂ©nĂ©trant sans crier gare dans ce collĂšge qui semblait si bien protĂ©gĂ©. Câest la maturitĂ© acquise par la rupture brutale dâune belle amitiĂ© et la dĂ©couverte du rĂŽle hĂ©roĂŻque jouĂ© par le pĂšre Jean. La Liste de Schindler, 1993 Un hĂ©ros hollywoodien Oskar Schindler- Le succĂšs planĂ©taire[122] du film de Steven Spielberg illustre le phĂ©nomĂšne dâamĂ©ricanisation de la Shoah qui sâest accompli depuis les annĂ©es 1970[123]. LâHolocauste », selon le terme consacrĂ© aux Ătats-Unis -RepĂšre occupe dĂ©sormais une place prĂ©dominante dans la mĂ©moire collective amĂ©ricaine du XXe siĂšcle. La paternitĂ© de lâexpression amĂ©ricanisation de la Shoah » est du reste revendiquĂ©e par lâancien prĂ©sident de la fondation crĂ©Ă©e par Steven Spielberg, Michael Berenbaum Survivors of the Shoah Visual History Foundation On a pris un Ă©vĂ©nement europĂ©en et on lâa intĂ©grĂ© dans la culture amĂ©ricaine, la culture populaire ». La reprĂ©sentation de la Shoah au cinĂ©ma est ainsi adaptĂ©e aux attentes dâun public amĂ©ricain le hĂ©ros du film est un bon Allemand », un Juste -Vocabulaire qui a sauvĂ© des centaines de vies juives -conformĂ©ment aux normes du cinĂ©ma hollywoodien le film met en avant des valeurs positives, lâissue ne doit pas en ĂȘtre dĂ©sespĂ©rante. La derniĂšre sĂ©quence du film met en scĂšne les vrais survivants sauvĂ©s par Schindler, accompagnĂ©s des acteurs qui interprĂštent leur personnage dans le film, venus rendre hommage au Juste sur sa tombe Ă JĂ©rusalem. Sur la musique de la cĂ©lĂšbre chanson Jerusalem of Gold, la sĂ©quence passe du noir et blanc Ă la couleur, comme pour sortir des tĂ©nĂšbres du passĂ© un message dâespoir pour aujourdâhui. Le fils de Saul Laszlo Nemes, 2015 Une reconstitution ultrarĂ©aliste Le fils de Saul de Laszlo Nemes- Le plus important film d'histoire de ces derniĂšres annĂ©es[124], Le Fils de Saul, est l'Ćuvre de Laszlo Nemes, un jeune rĂ©alisateur hongrois qui a passĂ© sa jeunesse Ă Paris. Laszlo Nemes porte Le Fils de Saul pendant cinq ans, depuis qu'il a dĂ©couvert Des voix sous la cendre 2005, recueil de tĂ©moignages Ă©crits par des membres des Sonderkommandos d'Auschwitz-Birkenau[125], enterrĂ©s, cachĂ©s en 1944, retrouvĂ©s des annĂ©es plus tard. Ils y dĂ©crivent leur labeur quotidien, l'organisation du travail, les rĂšgles de fonctionnement du camp et de l'assassinat des dĂ©portĂ©s, la mise en place d'une rĂ©sistance. Le 7 octobre 1944, la rĂ©volte des Sonderkommandos est rĂ©primĂ©e dans le sang, les SS en exĂ©cutant 400 membres en quelques heures. C'est durant ces semaines que prend place le film de Laszlo Nemes. Saul voit tout cela par bribes, et le spectateur doit lui aussi comprendre par fragments. Ce qui fait sens est ce que Saul peut, tout seul, opposer Ă l'usine de mort cet homme identifie son » fils parmi les victimes[126], et veut lui offrir des funĂ©railles, rĂ©cupĂ©rer et prĂ©server son corps, trouver un rabbin qui dira le kaddish, l'enterrer. Une simple cĂ©rĂ©monie de la mort, un acte qui a du sens, un sens humain, archaĂŻque, un rite sacrĂ© universel qui est Ă l'origine mĂȘme de la communautĂ© des hommes. Laszlo Nemes rĂ©sout cette question si problĂ©matique Ă laquelle personne, dans le cinĂ©ma de fiction, n'Ă©tait alors parvenu Ă apporter une rĂ©ponse satisfaisante[127]. Le cinĂ©aste n'hĂ©roĂŻse personne et ne montre pas tout de l'usine de mort. Le film suit Saul, donc s'arrĂȘte devant la chambre Ă gaz, puis y entre aprĂšs l'extermination pour effacer les traces. Ce qu'il voit, le film le montre, ni plus ni moins, fuyant tout esthĂ©tisme, tout exercice de style, toute virtuositĂ©. Conclusion RĂ©visions Sujets bac p. 232-233 Conclusion du thĂšme RĂ©visions Grand oral [1] Henry Rousso, Le syndrome de Vichy, de 1944 Ă nos jours, 1987-1990 [2] H. Rousso, Face au passĂ©. Essais sur la mĂ©moire contemporaine, 2016, [3] Voir le compte-rendu dâAnnette Wievorka dans LâHistoire en septembre 2017 n° 439 et le podcast de la Fabrique de lâhistoire Quand le XXe siĂšcle invente la notion de crime contre l'humanitĂ© » le 31 octobre 2018 [4] Lâexpression est apparue durant la PremiĂšre Guerre mondiale, employĂ©e en 1915 par la Russie, la France et le Royaume-Uni avec les massacres des ArmĂ©niens. PrĂ©cisĂ©ment, ont Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©s des crimes contre lâhumanitĂ© et la civilisation » et des crimes de lĂšse-humanitĂ© ». [5] Article 6-c. Les Crimes contre l'HumanitĂ© c'est-Ă -dire l'assassinat, l'extermination, la rĂ©duction en esclavage, la dĂ©portation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persĂ©cutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persĂ©cutions, qu'ils aient constituĂ© ou non une violation du droit interne du pays oĂč ils ont Ă©tĂ© perpĂ©trĂ©s, ont Ă©tĂ© commis Ă la suite de tout crime rentrant dans la compĂ©tence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime. [6] Le Tribunal international est habilitĂ© Ă juger toutes personnes prĂ©sumĂ©es responsables des crimes suivants lorsquâils ont Ă©tĂ© commis au cours dâun conflit armĂ©, de caractĂšre international ou interne, et dirigĂ©s contre une population civile quelle quâelle soit a assassinat ; b extermination ; c rĂ©duction en esclavage ; d expulsion ; e emprisonnement ; f torture ; g viol ; h persĂ©cutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses ; i autres actes inhumains. Article 5 du Statut du Tribunal pĂ©nal international pour lâex-Yougoslavie 1993 [7] Article 7 Crimes contre l'humanitĂ© l. Aux fins du prĂ©sent Statut, on entend par crime contre l'humanitĂ© l'un quelconque des actes ci-aprĂšs lorsqu'il est commis dans le cadre d'une attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matique lancĂ©e contre toute population civile et en connaissance de cette attaque a Meurtre b Extermination c RĂ©duction en esclavage d DĂ©portation ou transfert forcĂ© de population e Emprisonnement f Torture g Viol, esclavage sexuel, prostitution forcĂ©e, grossesse forcĂ©e, stĂ©rilisation forcĂ©e h PersĂ©cution de tout groupe ou de toute collectivitĂ© identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste ou en fonction d'autres critĂšres universellement reconnus comme inadmissibles en droit international i Disparitions forcĂ©es de personnes Crime d'apartheid k Autres actes inhumains de caractĂšre analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves Ă l'intĂ©gritĂ© physique ou Ă la santĂ© physique ou mentale. [8] RaphaĂ«l Lemkin, le rĂšgne de lâAxe en Europe occupĂ©e, 1944. [9] Cf. [10] RaphaĂ«l Lemkin meurt dâune crise cardiaque en 1959 alors que la France et lâURSS lâont entĂ©rinĂ©e pour la GB il faut attendre 1970 et les EU 1988. Elle est aujourdâhui ratifiĂ©e par 149 Ătats. [11] Vincent Duclert, Les gĂ©nocides, Documentation Photographique N° 8127, 2019 [12] Cf Annette Wieviorka dans lâHistoire en septembre 2017 n°439 [13] Dominique Fouchard, docteure en histoire, professeure au lycĂ©e article publiĂ© sur le site acadĂ©mique de Paris, Le retour dâune question par son questionnement historiographique » [14] Aux termes d'Ăąpres tractations, l'Allemagne renonce Ă ĂȘtre prĂ©sente au Maroc, en Ă©change de lâabandon par Paris de 272 000 kmÂČ de territoires d'Afrique Ă©quatoriale, au profit du Cameroun allemand. Un traitĂ© officiel franco-allemand est signĂ© le 4 novembre 1911 Ă Berlin et laisse les mains libres Ă la France au Maroc. Ce n'est qu'Ă ce moment-lĂ que les bĂątiments allemands quittent dĂ©finitivement la baie d'Agadir, le 28 novembre 1911. [15] Par exemple, la Serbie doit renoncer, sous la pression de Vienne, Ă annexer lâAlbanie, Ă©rigĂ©e en principautĂ© indĂ©pendante. [16] Dans les deux camps, la course aux armements et le renforcement des effectifs disponibles prennent une allure inquiĂ©tante. L'Allemagne augmente son budget militaire dĂšs 1911-1912, et dĂ©cide de faire passer son effectif du temps de paix de 600 000 Ă 800 000 hommes et accĂ©lĂšre son programme d'armement naval. LâAutriche-Hongrie adopte, coup sur coup, deux lois militaires 1912 et 1913 renforcer son dispositif de dĂ©fense, et le parlement français vote en 1913 la loi des trois ans » qui permet de placer 750 000 hommes sur le pied de guerre. Enfin, tandis que chacun des futurs belligĂ©rants accroĂźt et modernise son matĂ©riel de guerre notamment l'artillerie lourde, la Russie Ă©tablit un grand programme de rĂ©organisation de son armĂ©e. [17] La Triplice existe depuis 1882, date Ă laquelle lâItalie rejoint la Duplice, formĂ©e depuis 1879 par lâAutriche-Hongrie et lâAllemagne. [18] La Russie et la France sont dĂ©jĂ alliĂ©es depuis le 27 dĂ©cembre 1893. [19] ScellĂ© en 1904, il rĂšgle les derniers diffĂ©rends coloniaux entre les deux puissances. [20] Jean Baptiste NoĂ© Entre histoire et mĂ©moire la place du passĂ© », Conflits NumĂ©ro spĂ©cial. [21] Toujours votre sociĂ©tĂ© violente et chaotique, mĂȘme quand elle veut la paix, mĂȘme quand est Ă lâĂ©tat dâapparent repos, porte en elle la guerre, comme une nuĂ©e dormante porte lâorage. Messieurs, il nây a quâun moyen dâabolir la guerre entre les peuples, câest abolir la guerre Ă©conomique, le dĂ©sordre de la sociĂ©tĂ© prĂ©sente... » Jean JaurĂšs 1859-1914. [22] Cf. dans chaque camp, lâexpression guerre du droit » est employĂ©e dans les deux camps, chacun se plaçant comme le dĂ©fenseur du droit. [23] Pierre Renouvin lui-mĂȘme a signĂ© un article fameux dans la Revue historique, dans lequel il admet quâon ne peut parler de responsabilitĂ© unilatĂ©rale ». [24] Ă la fin de la guerre, en dĂ©pit des intentions affichĂ©es par le prĂ©sident Wilson dans ses 14 points », ce sont les vaincus qui sont dĂ©clarĂ©s responsables de la grande Guerre par lâarticle 231 du traitĂ© de Versailles. Le Royaume-Uni a mĂȘme voulu juger Guillaume II comme criminel de guerre, mais dĂšs 1920 cette idĂ©e est abandonnĂ©e devant le refus des Pays-Bas de lâextrader. [25] Selon lâexpression de lâhistorien Gerhard Hirschfeld. [26] Cf. Le Naour, J. 2014. Les somnambules. ĂtĂ© 1914 comment l'Europe a marchĂ© vers la guerre Christopher Clark, Paris, Flammarion, 2013, 668 pages. Politique Ă©trangĂšre, 11, 216-218. [27] Critique dâAndrĂ© Loez publiĂ© dans Le Monde » le 26 septembre 2013. [28] La guerre du Kosovo achevĂ©e en 1999 nâa pas conduit Ă la reconnaissance du pays par son adversaire serbe. [29] Selon Serge Berstein et Pierre Milza, Guillaume II ne sâest pas pardonnĂ© dâavoir lĂąchĂ© Vienne en 1913 et prend le risque dâun embrasement gĂ©nĂ©ral ; lâAutriche-Hongrie veut se dĂ©barrasser des aspirations unitaires des Slaves du Sud et lâempereur a pesĂ© le risque guerre locale certaine, guerre europĂ©enne possible ». Du cĂŽtĂ© de lâEntente, la Russie a acceptĂ© le risque dâun conflit gĂ©nĂ©ralisĂ© pour maintenir son influence dans les Balkans ; la France aurait soutenu la Russie la confortant dans sa fermetĂ© ; lâhĂ©sitation de la Grande-Bretagne aurait pu encourager les puissances centrales dans leur politique dâintimidation. [30] Camille le Tallec, LâAllemagne commĂ©more sobrement la premiĂšre Guerre mondiale », La Croix, 2014. [31] Importance de Verdun pour la France qui reste LA » bataille de la guerre 14-18 alors que Britanniques et Allemands lui prĂ©fĂšrent la bataille de la Somme. Le choix des batailles est donc lui-mĂȘme un acte politique. [32] Les 7 autres cercueils sont enterrĂ©s Ă Verdun. [33] Ă 8h30 du matin, les troupes prĂ©sentent les armes. Le ministre de la Guerre, Louis Barthou, sâincline devant le cercueil Au nom de la France pieusement reconnaissante et unanime, je salue le Soldat inconnu qui est mort pour elle. » [34] Le symbole familier du coquelicot doit une bonne part de sa cĂ©lĂ©britĂ© au poĂšte et soldat canadien John McCrae. Son poĂšme, Au champ dâhonneur, lui fut inspirĂ© par les coquelicots qui poussaient le long du front occidental et auxquels il fait allusion. Le poĂšme dĂ©bute ainsi Au champ dâhonneur les coquelicots / Sont parsemĂ©s de lot en lot / prĂšs des croix. » [35] Adeptes ou adversaires de la thĂ©orie de la brutalisation » et de la culture de guerre » -Vocabulaire de la thĂ©orie du consentement » Ă la violence de guerre⊠[36] En France, une grande collecte » est organisĂ©e avec succĂšs pour inciter les gens Ă venir dĂ©poser leurs archives privĂ©es. [37] De lâInde Ă lâAustralie, en passant par la Nouvelle-ZĂ©lande, le Canada et mĂȘme lâAmĂ©rique latine. [38] Cf. lâinauguration Ă Verdun, en 2016, dâun Chemin de mĂ©moire en hommage aux troupes dâoutre-mer ». [39] NB. Le forum de la paix de Paris est une initiative visant Ă permettre Ă la France dâexercer une influence sur les relations internationales dĂ©fense du multilatĂ©ralisme, Ă©volutions souhaitĂ©es des institutions internationales, sĂ©curisation du cyberespace etc. Les puissances importantes » ont fait le choix de ne pas y ĂȘtre reprĂ©sentĂ©es, Ă lâimage des Ătats-Unis. [40] Cette situation a obligĂ© lâambassadeur français Ă Belgrade, FrĂ©dĂ©ric Mondoloni, Ă prĂ©senter des excuses et Ă rappeler le lourd tribut du peuple serbe Ă la Grande Guerre sur le plateau dâune tĂ©lĂ©vision serbe Franchement, avec le cĆur, pour moi ce qui sâest passĂ© en termes de placement protocolaire dans la tribune, câest une maladresse regrettable et je prie le prĂ©sident Vucic et le peuple serbe de nous excuser », avait-il dĂ©clarĂ©. [41] Guy PervillĂ©, Lâhistoire et les mĂ©moires de la guerre dâAlgĂ©rie », Historiens et gĂ©ographes,2012. [42]PrĂ©face du livre-catalogue Notre histoire dâAlgĂ©rie » Ă©ditĂ© lors de lâinauguration Ă Perpignan du Centre de documentation des Français dâAlgĂ©rie en 2012. [43] Louis Alliot Ă Perpignan, Robert MĂ©nard Ă BĂ©ziers ; voire Christian Estrosi Ă Nice qui a crĂ©Ă© en 2009 la JournĂ©e de fĂȘte des pieds noirs et harkis » Au soleil des deux rives ». [44] En effet, de Gaulle ne veut pas les rapatrier en France, car nombre dâentre eux ont pris le parti des putschistes en 1961. [45] Comme celui de Rivesaltes ou Bias ou le quartier de La Condamine Ă Drap. [46]Cf. [47] Au cours dâun entretien, le gĂ©nĂ©ral Massu a reconnu que la prĂ©sence du contingent condamnait le putsch dĂšs lâorigine. [48] Cf. HĂ©lie Denoix de Saint Marc, rĂ©sistant et dĂ©portĂ© Ă Buchenwald. [49] Entretien avec le gĂ©nĂ©ral Massu. [50] TĂ©moignage de Siari Ouarda Ouanassa dans le journal Le Un » du 17 mars 2021. [51] Citation de Marc Ferro [52] ComplĂ©tĂ©e par les lois de 1964, 1966, 1968. [53] Le MĂ©morial national de la guerre dâAlgĂ©rie et des combats du Maroc et de la Tunisie 1952-1962 a Ă©tĂ© Ă©difiĂ© quai Branly, prĂšs de la Tour Eiffel. Ćuvre de GĂ©rard Collin-ThiĂ©baut, il se compose de trois colonnes alignĂ©es, de prĂšs de 6 mĂštres de haut. Chaque colonne, ornĂ©e dâune couleur du drapeau national, comprend un afficheur Ă©lectronique permettant de faire dĂ©filer la liste des 22 959 soldats français, dont 3 000 harkis, morts pour la France, par ordre chronologique et alphabĂ©tique. Sur la deuxiĂšme colonne dĂ©filent aussi des textes rappelant lâhistoire de la guerre dâAlgĂ©rie. La troisiĂšme colonne permet quant Ă elle de rechercher le nom dâun soldat mort, grĂące Ă lâutilisation dâune borne interactive. En outre, devant les colonnes, lâinscription suivante est gravĂ©e Ă la mĂ©moire des combattants morts pour la France lors de la guerre dâAlgĂ©rie et des combats du Maroc et de la Tunisie, et Ă celle de tous les membres des forces supplĂ©tives, tuĂ©s aprĂšs le cessez-le-feu en AlgĂ©rie, dont beaucoup nâont pas Ă©tĂ© identifiĂ©s ». [54] Lettre de mission dâEmmanuel Macron Ă Stora Je souhaite mâinscrire dans une volontĂ© nouvelle de rĂ©conciliation des peuples français et algĂ©riens. Le sujet de la colonisation et de la guerre dâAlgĂ©rie a trop longtemps entravĂ© la construction entre nos deux pays dâun destin commun en MĂ©diterranĂ©e. ⊠Le devoir de notre gĂ©nĂ©ration est de faire en sorte quâils nâen portent pas les stigmates pour Ă©crire Ă leur tour leur histoire. Ce travail de mĂ©moire, de vĂ©ritĂ© et de rĂ©conciliation, pour nous-mĂȘmes et pour nos liens avec lâAlgĂ©rie, nâest pas achevĂ© et sera poursuivi. Nous savons quâil prendra du temps et quâil faudra le mener avec courage, dans un esprit de concorde, dâapaisement et de respect de toutes les consciences ⊠» [55] France-AlgĂ©rie les 22 recommandations du rapport Stora », Le Monde, 20 janvier 2021. Le rapport est consultable dans son intĂ©gralitĂ© sur le site de lâĂlysĂ©e. [56] Emmanuel Macron a fait cette reconnaissance au nom de la France » et lâa lui-mĂȘme annoncĂ© aux petits-enfants dâAli Boumendjel en les recevant Ă lâĂlysĂ©e. Au cĆur de la Bataille dâAlger, il fut arrĂȘtĂ© par lâarmĂ©e française, placĂ© au secret, torturĂ©, puis assassinĂ© le 23 mars 1957. Paul Aussaresses avoua lui-mĂȘme avoir ordonnĂ© Ă lâun de ses subordonnĂ©s de le tuer et de maquiller le crime en suicide », indique un communiquĂ© de la PrĂ©sidence française. [57] Vincent Martigny, professeur Ă lâuniversitĂ© de Nice et Ă lâĂ©cole polytechnique, chercheur associĂ© au Cevipol. [58] âŠsuscitant les critiques de son prĂ©dĂ©cesseur Nicolas Sarkozy Pour qu'une commĂ©moration soit commune, il faut que la date cĂ©lĂ©brĂ©e soit acceptĂ©e par tous. Or, chacun sait qu'il n'en est rien, le 19 mars reste au cĆur d'un dĂ©bat douloureux ». [59] Dans les jours qui suivent ce 19 mars 1962, des harkis sont massacrĂ©s. Le 5 juillet, alors que l'AlgĂ©rie fĂȘte son indĂ©pendance, une manifestation organisĂ©e Ă Oran dĂ©gĂ©nĂšre en une vĂ©ritable chasse aux EuropĂ©ens. EnlĂšvements, lynchages, exĂ©cutions sommaires font plusieurs centaines de morts. [60] Entretien reproduit dans France Info le 16 fĂ©vrier 2017. [61] La rĂ©sistance de la France Ă ne pas reconnaĂźtre ses crimes a ses raisons. Elles sont connues de ceux qui ont la nostalgie du passĂ© colonial et lâillusion de lâAlgĂ©rie française », explique M. Belhimer dans un entretien au journal gouvernemental arabophone El Massa Le criminel fait gĂ©nĂ©ralement lâimpossible pour Ă©viter dâadmettre ses crimes, mais cette politique de fuite en avant ne peut pas durer » [62] Sources et Bessone, Magali. Le Tribunal PĂ©nal International pour l'ex-Yougoslavie la justice en vue de la paix ? », Le Philosophoire, vol. 24, 2005, pp. 51-74. [63] 99,4% des voix dans cette consultation boycottĂ©e par les Serbes de Bosnie. [64] Cf. [65] R. Karadzic et Z. Mladic ont longtemps fui la justice, puis ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s. Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les accusĂ©s, quâils soient Serbes, Croates ou Bosniaques, se montrent rarement coopĂ©ratifs. Cf. mort spectaculaire du Croate Slobodan Praljak en 2017. [66] Les livres de rĂ©fĂ©rence en histoire HĂ©lĂšne Dumas, Le gĂ©nocide au village, Seuil, 2014 ; Florent Piton, Le gĂ©nocide des Tutsi au Rwanda, La DĂ©couverte, 2018, StĂ©phane Audouin-Rouzeau, Une initiation, Rwanda 1994-2016, le Seuil, 2017. En littĂ©rature Scholastique Mukasonga, Notre-Dame du Nil 2012, Inyenzi ou les cafards 2006, GaĂ«l Faye, Petit pays 2016 ; sur lâopĂ©ration turquoise, une BD La fantaisie des Dieux de Patrick de St ExupĂ©ry et Hippolyte 2014. [67] PrĂ©face de StĂ©phane Audouin-Rouzeau au livre dâHĂ©lĂšne Dumas, Le gĂ©nocide au village, Seuil, 2014. [68] Le Front Patriotique Rwandais, mouvement de guĂ©rilla puis parti politique, apparaĂźt officiellement en dĂ©cembre 1987. La grande majoritĂ© des membres du FPR est issue de la diaspora tutsi qui a fui le Rwanda aprĂšs les massacres de 1959, 1963, 1973 et le noyau de ses dirigeants est issu de la diaspora rwandaise en Ouganda. [69] Ă ce sujet La France fautive mais pas complice du gĂ©nocide au Rwanda », Courrier international, 27 mars 2021 ; Rwanda la France et les fantĂŽmes du gĂ©nocide des Tutsi », Le Monde, 8 avril 2021 podcast. Cf. Ă©galement les protestations dâHubert VĂ©drine ex-ministre des Affaires Ă©trangĂšres français, sur lâantenne de France Culture en avril 2021. [70] Gacaca se prononce gatchatcha en kinyarwanda et fait rĂ©fĂ©rence Ă lâherbe au sol, au gazon de ces tribunaux qui ont lieu Ă lâair libre. On peut en quelque sorte les qualifier de champĂȘtres ». [71] HĂ©lĂšne Dumas, Rwanda comment juger un gĂ©nocide ? » IFRI, 2015/ 4 pages 39 Ă 50. [72] Il nâĂ©tait donc pas rare dâen voir certains ĂŽter leur Ă©charpe dâinyangamugayo avant de rejoindre le groupe des survivants lorsque lâaffaire Ă©voquĂ©e concernait la mort de lâun des leurs. [73] HĂ©lĂšne Dumas, Histoire, justice et rĂ©conciliation les juridictions gacaca au Rwanda », Mouvements, 2008/1 n°53, Ă 117 [74] Cette exigence a Ă©galement mis un terme Ă lâimpunitĂ© dont avaient pu bĂ©nĂ©ficier les criminels nazis et leurs complices, dâoĂč la tenue des premiers procĂšs pour crimes contre lâhumanitĂ© en France, par exemple. Tel nâĂ©tait pas encore le cas au dĂ©but des annĂ©es 1960. [75] Ceux commis par les nazis contre les Juifs et les Tziganes, par les Hutu sur les Tutsi, ou encore le gĂ©nocide armĂ©nien commis par les Jeunes-Turcs⊠[76] Paul Blobel forme alors un commando pour incinĂ©rer les cadavres Ă ciel ouvert. Le systĂšme est un temps abandonnĂ© aprĂšs la mise en fonctionnement des fours crĂ©matoires, puis rĂ©appliquĂ© aprĂšs mai 1944, quand les fours se trouvent saturĂ©s ». [77] Le travail des nazis a Ă©tĂ© particuliĂšrement abouti Ă Belzec, oĂč on ne voit que des champs et des arbres. On voit le danger câest bien sĂ»r Ă partir de tels non-lieux que se dĂ©veloppent les nĂ©gationnismes. [78] Cf. Dominique Chevalier, Retour rĂ©flexif sur la construction dâun objet gĂ©ographique mĂ©moriel », GĂ©ographie et cultures, 2015 et Dominique Chevalier and Isabelle Lefort, Le touriste, lâĂ©motion et la mĂ©moire douloureuse », Carnets de gĂ©ographes, 2016. [79] Cf. en plus du mĂ©morial berlinois lâexposition consacrĂ©e Ă lâinternement des nomades en France sur le site du MĂ©morial de la Shoah. [80] MĂ©morial de la Shoah, inaugurĂ© en 1956. [81] MĂ©morial Yad Vashem, ouvert en 1957. [82] United States Holocaust Memorial Museum, fondĂ© en 1993. [83] MusĂ©e juif de Berlin, construit en 2001 et MĂ©morial aux Juifs assassinĂ©s dâEurope inaugurĂ© en 2005. [84] Cf. lâarchitecte Daniel Libeskind, concepteur du MusĂ©e juif de Berlin 2001. [85] MĂ©morial Yad Vashem Ă JĂ©rusalem, jardin du Souvenir Ă Budapest, maison dâAnne Frank Ă Amsterdam -RepĂšre [86] Dominique Chevalier, Les musĂ©es urbains de la Shoah comme objets dâenjeux gĂ©opolitiques et espace-temps de lâentre-deux. », [En ligne], Travaux, 2014 [87] âŠdont la prĂ©servation des ruines d'Oradour-sur-Glane est un autre exemple. [88] Cf. Site officiel. [89] Cf. Site officiel. [90] Cf. Site officiel. [91] Cf. Site officiel. [92] Cf. Site officiel. [93] Cf. article WikipĂ©dia et documentaire de la chaĂźne LCP 2012 [94] Dans ce contexte, la marchandisation intrinsĂšque au tourisme packaging des tours opĂ©rateurs, coĂ»t dâentrĂ©e, produits dĂ©rivĂ©s nâa pas manquĂ© de soulever des controverses de nature Ă©thique et morale peut-on moralement vendre » des artefacts en lien avec ces mĂ©moires traumatiques ? [95] Les crimes de guerre ayant Ă©tĂ© prescrits, les inculpĂ©s ne peuvent plus ĂȘtre jugĂ©s que pour crimes contre l'humanitĂ©, c'est-Ă -dire pour leur implication dans la dĂ©portation et l'assassinat des juifs et des Tsiganes europĂ©ens. [96] Ă partir de 1949, la RFA et la RDA poursuivent les procĂ©dures en tant quâĂtats souverains NB entre 1946 et 1949, des tribunaux allemands sont autorisĂ©s Ă prononcer des sentences sur les crimes commis pendant les par des citoyens allemands contre d'autres ressortissants allemands ou contre des apatrides, par exemple les crimes d'euthanasie. [97] Sont jugĂ©s des mĂ©decins et infirmiers ayant participĂ© Ă l'exĂ©cution de handicapĂ©s physiques et mentaux allemands et ayant effectuĂ© des expĂ©riences mĂ©dicales sur les dĂ©tenus des camps de concentration. [98] Cette loi introduisait dans le droit israĂ©lien Ă la fois les qualifications de Nuremberg le crime contre l'humanitĂ© et le crime de guerre, mais elle en crĂ©ait une nouvelle qui fit couler beaucoup d'encre le crime contre le peuple juif », imprescriptible comme le crime contre lâhumanitĂ©. Ă la diffĂ©rence de la Convention de lâONU sur le gĂ©nocide 1948, qui ne concernait que l'avenir, la loi de 1950 Ă©tait rĂ©troactive, et pouvait juger de faits et de criminels dĂ©jĂ jugĂ©s auparavant ailleurs. [99] Ce jour-lĂ , toute activitĂ© est interrompue dans le pays Ă midi pour respecter deux minutes de silence lĂ oĂč l'on se trouve en souvenir du dĂ©sastre causĂ© au peuple juif par les nazis et leurs collaborateurs » et des actes d'hĂ©roĂŻsme et de rĂ©volte qui se sont produits pendant cette pĂ©riode » [100] AprĂšs la publication remarquĂ©e aux Ăditions de Minuit du rĂ©cit autobiographique d'Elie Wiesel La Nuit 1958, Le Dernier des Justes d'AndrĂ© Schwarz-Bart obtient le prix Goncourt 1959 et un grand succĂšs public 1 million d'exemplaires vendus [101] Juif, socialiste, exilĂ© au Danemark puis en SuĂšde dĂšs 1933 aprĂšs avoir Ă©tĂ© rĂ©voquĂ© de son poste de juge et internĂ© en camp de concentration, Fritz Bauer se consacre depuis son retour en Allemagne dĂšs 1949 Ă la punition des criminels nazis. [102] Le procĂšs se tient dans une salle de spectacle, inaugurĂ©e l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente et transformĂ©e en tribunal pour l'occasion. Un petit nombre de places sont rĂ©servĂ©es aux diplomates 45, au balcon, aux survivants jouissant d'une certaine notoriĂ©tĂ©, aux reprĂ©sentants d'associations ou de centres de recherche comme la Wiener Library Ă Londres ou le Centre de documentation juive contemporaine Ă Paris, aux personnalitĂ©s... Les places situĂ©es Ă l'orchestre sont rĂ©servĂ©es dans leur immense majoritĂ© 450 aux journalistes, israĂ©liens ou Ă©trangers. Comme celui de Nuremberg, ce procĂšs est un must », auquel la fine fleur du journalisme ainsi que quelques intellectuels souhaitent assister. Il y a ceux, comme Joseph Kessel, qui avaient dĂ©jĂ couvert » Nuremberg ou qui y avaient jouĂ© un rĂŽle comme le procureur amĂ©ricain Telford Taylor. Ceux qui avaient ratĂ© Nuremberg, comme Hannah Arendt. [103] C'est le deuxiĂšme grand procĂšs oĂč des camĂ©ras sont autorisĂ©es aprĂšs celui de Nuremberg. [104] Ce qui ne tenait pas, comme la dĂ©fense et les juges le firent valoir. Eichmann, en revanche, Ă©tait chargĂ© de lâĂ©migration forcĂ©e pour dĂ©judaĂŻser » lâAllemagne rĂ©dacteur en 1940 du plan Madagascar », avant dâĂȘtre le rĂ©dacteur du procĂšs-verbal de la confĂ©rence de Wannsee janvier 1942, qui dĂ©cide et organise la solution finale » au problĂšme juif, et dâĂȘtre chargĂ© de lâorganisation des convois ferroviaires dĂ©portant les juifs vers les camps de la mort. [105] âŠce qui donne matiĂšre Ă contestation Ă la dĂ©fense, mais qui confĂšre au procĂšs Eichmann la dimension d'une prise de parole des survivants jusquâalors inĂ©dite. [106] C'est lors du procĂšs Eichmann, Ă©crit-il, que je dĂ©couvris pour la premiĂšre fois la puissance du tĂ©moignage personnel. » [107] Bien d'autres collectes seront effectuĂ©es par la suite, la plus importante et la plus cĂ©lĂšbre Ă©tant celle que lança Spielberg aprĂšs la rĂ©alisation de La Liste de Schindler. [108] Plus de 83 000 citoyens israĂ©liens assistent Ă un moment ou Ă un autre au procĂšs dans la salle du tribunal ou dans une autre salle, le hall de Ratisbonne, oĂč il Ă©tait retransmis grĂące Ă un circuit de tĂ©lĂ©vision en direct. [109] La loi de 1953 avait crĂ©Ă© la dignitĂ© de Juste parmi les nations, mais c'est dans la foulĂ©e du procĂšs Eichmann que Yad Vashem commence Ă identifier systĂ©matiquement les Justes -Vocabulaire et Ă les honorer. [110] Franz Novak qui travailla au cĂŽtĂ© d'Eichmann, notamment pour l'organisation des convois de dĂ©portation, Hermann Krumey qui avait accompagnĂ© Eichmann Ă Budapest en 1944⊠[111] ProcĂšs de Francfort 1963-1965, dont Fritz Bauer fut le procureur. [112] Cf. recrutement de Klaus Barbie par les services secrets des Ătats-Unis. [113] Ă consulter au sujet des fameux chasseurs de nazis », cette sĂ©rie sur le site de France-Culture. [114] En 1952, elle sâengage Ă verser des indemnitĂ©s Ă lâĂtat dâIsraĂ«l et aux juifs de la diaspora. [115] [116] Cf. Ă©galement, le Livre noir rĂ©digĂ© avec Ilya Ehrenbourg sur les massacres perpĂ©trĂ©s par les nazis en Union soviĂ©tique, et dont le projet dâĂ©dition sera brutalement interrompu par le rĂ©gime stalinien. [117] Le personnage dâAlberich, Niebelung de LâOr du Rhin pouvait, en coiffant son casque magique, se transformer en colonne de fumĂ©e tandis quâil chantait Nuit et brouillard, je disparais ». [118] RejetĂ© par la direction de lâORTF, le film-documentaire connaĂźtra au dĂ©but des annĂ©es 1970 une diffusion assez confidentielle Ă travers quelques salles de cinĂ©ma dâart et dâessai. [119] âŠet contre le nĂ©gationnisme -Vocabulaire [120] La sĂ©quence oĂč le coiffeur Abraham Bomba montre comment il coupait les cheveux de ceux qui allaient Ă la chambre Ă gaz restera dans toutes les mĂ©moires comme un moment dâĂ©motion presque insoutenable. [121] Cf. la polĂ©mique qui a suivi la parution du film La vie est belle de Roberto Benigni 1998 Denis Pelletier, La vie est belle de Roberto Benigni », in VingtiĂšme SiĂšcle, revue d'histoire, n°63, juillet-septembre 1999. pp. 145-147. [122] ProjetĂ©e Ă la tĂ©lĂ©vision, La Liste de Schindler a Ă©tĂ© vue par 65 millions de foyers aux Ătats-Unis, record dâaudience de lâhistoire de la tĂ©lĂ©vision amĂ©ricaine pour un programme non sportif de 3h30. Le film a rapportĂ© 321 millions de dollars de recettes dâexploitation Steven Spielberg ayant luiâmĂȘme renoncĂ© Ă percevoir la moindre rĂ©munĂ©ration pour son travail. [123] Câest en 1973 que les grandes organisations juives amĂ©ricaines ont inscrit pour la premiĂšre fois dans leurs prioritĂ©s la nĂ©cessitĂ© de prĂ©server et de diffuser la mĂ©moire de la Shoah. [124] Antoine de Baecque, Le regard de Saul », LâHistoire n°417, novembre 2015 [125] Auschwitz-Birkenau, le principal des camps d'extermination nazis, fonctionnait comme une usine Ă produire des cadavres, puis Ă les Ă©liminer. Lors de l'Ă©tĂ© 1944, elle tourne Ă plein rĂ©gime les historiens estiment que 10 000 Ă 12 000 dĂ©portĂ©s y sont assassinĂ©s chaque jour. Dans le systĂšme d'extermination nazi, les Sonderkommandos formaient un rouage essentiel de la machine de mort. Leur travail consistait Ă accompagner les victimes jusqu'aux chambres Ă gaz en les encadrant et en les rassurant, puis Ă dĂ©barrasser les cadavres en nettoyant les lieux. Ils Ă©taient eux-mĂȘmes des dĂ©portĂ©s, juifs pour la plupart, sĂ©lectionnĂ©s par les SS Ă la descente des trains, choisis sur des critĂšres physiques jeunes, en bonne santĂ© selon les besoins. Pour les Sonderkommandos, la tĂąche est Ă©puisante, et ils sont Ă©liminĂ©s rĂ©guliĂšrement par les SS parce que leur rendement faiblit et qu'il ne doit pas rester de trace de l'extermination. [126] Sans quâil soit dit s'il s'agit d'un fantasme ou d'une vĂ©ritĂ©. [127] Pour Claude Lanzmann, dans une interview donnĂ©e en 2015 Ă TĂ©lĂ©rama, Le fils de Saul est lâanti-Liste de Schindler J'aime beaucoup Steven Spielberg et ses films mais quand il a rĂ©alisĂ© La Liste de Schindler il n'a pas suffisamment rĂ©flĂ©chi Ă ce qu'Ă©tait le cinĂ©ma et la Shoah, et comment les combiner. Le Fils de Saul est l'anti-Liste de Schindler. Il ne montre pas la mort, mais la vie de ceux qui ont Ă©tĂ© obligĂ©s de conduire les leurs Ă la mort. De ceux qui devaient tuer 400 000 personnes en trois ou quatre mois. C'Ă©tait tellement Ă©norme que les fours crĂ©matoires n'y suffisaient pas. Ils se bloquaient et se retrouvaient inaptes Ă remplir leur fonction. Les nazis avaient alors dĂ©cidĂ© de s'en passer et de creuser, autour des fours, des fosses, dans la terre mĂȘme. Les nouveaux convois qui arrivaient Ă©taient directement conduits dans les fosses. Le film de LĂĄszlĂł Nemes montre cela, Ă plusieurs reprises des corps nus tirĂ©s et entassĂ©s dont on peut deviner ce qu'ils sont, Ă la condition de connaĂźtre l'Histoire. » Commenttransmettre son histoire, son passĂ© et sa culture ? SĂ©quence 3 : Parcours d'une Ćuvre intĂ©grale. Comment concilier l'appartenance Ă deux cultures ? PrĂ©paration au © Guillaume Decaux. La libertĂ© d'expression. PubliĂ© le 12/10/2021 Le 15 octobre, les Ă©tablissements scolaires sont invitĂ©s par le ministĂšre de lâĂ©ducation nationale Ă rendre hommage Ă lâenseignant Samuel Paty, un an aprĂšs son assassinat. Nous mettons Ă nouveau Ă votre disposition des articles, des podcasts et une vidĂ©o pour rappeler la force et la pertinence de nos valeurs communes, et ĂȘtre solidaires de celles et ceux qui ont la charge de les transmettre Ă nos enfants. Tout au long de lâannĂ©e, les revues de Bayard Jeunesse accompagnent les enfants et les ados dans la dĂ©couverte du monde qui les entoure. Un monde non seulement peuplĂ© de personnes, de paysages ou dâobjets, mais aussi dâidĂ©es, de diffĂ©rences, de modes de vie ou de croyances. La libre expression de ces idĂ©es, le respect de ces diffĂ©rences sont inscrites dans le marbre des textes qui fondent notre RĂ©publique. En sâattaquant Ă un enseignant â aprĂšs avoir visĂ© des citoyens de confession juive, des militaires, des dessinateurs, des journalistes, des policiers, des passants, les spectateurs dâun concert, un prĂȘtre⊠â câest encore une fois un pilier de notre modĂšle dĂ©mocratique que le terrorisme cherche Ă atteindre le droit de chacun, quelles que soient ses origines, Ă bĂ©nĂ©ficier dâune instruction et de lâaccĂšs Ă la culture, outils irremplaçables de notre volontĂ© de vivre ensemble. Face aux discours de haine et Ă lâobscurantisme, il faut rappeler inlassablement la force et la pertinence de nos valeurs communes, et ĂȘtre solidaires de celles et ceux qui ont la charge de les transmettre Ă nos enfants. Samuel Paty en avait fait son mĂ©tier et son combat. En premiĂšre ligne. En sa mĂ©moire, et au cĂŽtĂ© des enseignants, les rĂ©dactions Bayard Jeunesse mettent Ă votre disposition ici des articles publiĂ©s ces derniĂšres annĂ©es, des podcasts et une vidĂ©o pour aider nos enfants Ă comprendre et sâapproprier ces valeurs communes. François Blaise, rĂ©dacteur en chef du magazine Okapi La LaĂŻcitĂ© a Ă©tĂ© inventĂ©e en France⊠TĂ©lĂ©charger lâarticle âLa LaĂŻcitĂ© a Ă©tĂ© inventĂ©e en Franceâ, publiĂ© dans le magazine Images Doc n°325 en janvier 2016. Voir le site du magazine Images Doc pour les 8-12 ans Lâattaque contre Samuel Paty, un professeur de collĂšge, expliquĂ©e aux enfants Ăcouter le podcast âSalut lâinfo !â, rĂ©alisĂ© par Astrapi et franceinfo, du 23 octobre 2020 En savoir plus sur le podcast âSalut lâinfo !â Le long combat de la libertĂ© dâexpression TĂ©lĂ©charger le dossier âLe long combat de la libertĂ© dâexpressionâ publiĂ© dans le magazine Okapi n°1030 du 15 mars 2021. Voir le site du magazine Okapi pour les collĂ©giens Y a-t-il des limites Ă la libertĂ© dâexpression ? TĂ©lĂ©charger lâarticle âY a-t-il des limites Ă la libertĂ© dâexpression ?â publiĂ© dans le magazine Phosphore n°499 du 1er dĂ©cembre 2020. Voir le site du magazine Phosphore pour les lycĂ©ens La libertĂ© dâexpression en 10 questions TĂ©lĂ©charger lâarticle âLa libertĂ© dâexpression en 10 questionsâ rĂ©alisĂ© par les magazines Okapi et Phosphore Voir le site du magazine Phosphore pour les lycĂ©ens Comprendre la libertĂ© dâexpression Quâest ce que la libertĂ© dâexpression ? Est-elle bien respectĂ©e en France ? Pour le magazine Phosphore, Adam Bros dĂ©cortique les sujets de sociĂ©tĂ© du moment en tendant son micro Ă des lycĂ©ens et des experts⊠Voir la chaĂźne YouTube du magazine Phosphore DĂ©couvrez dâautres contenus Ă tĂ©lĂ©charger gratuitement sur la page crĂ©Ă©e sur pour accompagner les enfants de 3 Ă 18 ans vers le âVivre ensembleâ. Et si on parlait de religion autrement ? TĂ©lĂ©charger lâintĂ©gralitĂ© de lâarticle âEt si on parlait de religion autrement ?â Ăcouter le podcast âOh My God !â Date de de mise Ă jour 11 octobre 2021 â 1ere publication 20 octobre 2020 IdentitĂ©et diversitĂ© Texte 1 : Carole Martinez, Le CĆur cousu, 2007 Document 2 : Entre les bras â La cuisine en hĂ©ritage, documentaire de Paul Lacoste, 2011. Texte 3 : Romain Gary, La Promesse de lâaube, 1960. Sujet d'Ă©criture : Bien souvent, les parents transmettent Ă leurs enfants leur histoire et leur expĂ©rience. Comment se prĂ©senter en entretien d'embauche ?Se prĂ©senter, câest tout dâabord expliquer qui lâon est. La toute premiĂšre Ă©tape de lâentretien dâembauche relĂšve donc dâune formalitĂ© il sâagit tout simplement de dĂ©cliner votre identitĂ©. PrĂ©nom, nom, Ăąge, profession actuelle mĂȘme si votre interlocuteur est censĂ© savoir qui il reçoit, il est toujours bon de le rappeler en dĂ©but dâentretien, surtout sâil reçoit plusieurs candidats dans la journĂ©e. Comment prĂ©senter son parcours lors dâun recrutement ?La deuxiĂšme Ă©tape de prĂ©sentation lors dâun entretien dâembauche consiste Ă parler de son parcours Ă©tudes, premiers postes, choix professionnels, expatriations, Ă©volution de carriĂšre. Ici, la difficultĂ© est de rĂ©ussir Ă ne pas rĂ©citer les lignes de votre CV, mais plutĂŽt de faire un pitch efficace. Puisque lâentreprise a sĂ©lectionnĂ© votre candidature, câest quâelle a dĂ©jĂ validĂ© votre parcours professionnel. Ă ce stade, elle cherche donc Ă en savoir un peu plus. Donner un Ă©clairage sur son parcours professionnelLe plus simple est dâopter pour une approche chronologique. Lâobjectif faire connaĂźtre au recruteur votre bagage scolaire, votre passĂ© professionnel, et lĂ©gitimer votre candidature pour le poste. Ă vous de rendre votre prĂ©sentation vivante en expliquant vos choix, vos succĂšs et vos Ă©checs. Quel Ă©tait votre projet professionnel quand vous avez dĂ©cidĂ© de poursuivre vos Ă©tudes aprĂšs votre Master 2 ? Pourquoi avoir intĂ©grĂ© une petite entreprise familiale en rĂ©gion plutĂŽt quâun grand cabinet de conseil parisien ? Quels apprentissages avez-vous retirĂ© de chacune de vos expĂ©riences professionnelles ? NâhĂ©sitez pas Ă souligner vos qualitĂ©s en citant des exemples concrets et en mesurant vos rĂ©ussites. Par exemple Ătant agile et pragmatique, jâai tout de suite su ajuster le management de mon Ă©quipe et mes objectifs business en dĂ©but de crise du Covid-19 ». Il est important ensuite d'illustrer chaque exemple par des rĂ©ussites concrĂštes. N'hĂ©sitez donc pas Ă mettre en valeur vos projets aboutis et Ă donner des chiffres. Cela permettra au recruteur de mesurer vos performances et vous ferez ainsi la diffĂ©rence face aux autres le recruteur sur son profilDurant l'entretien d'embauche, le recruteur cherche Ă rĂ©pondre Ă trois questions DâoĂč vient le candidat ? Quâa-t-il fait ? Que veut-il faire ?Pour lui, lâexercice consiste Ă©galement Ă cocher des cases pour vĂ©rifier que vous ĂȘtes bien dimensionnĂ© pour le poste et correspondez aux exigences des managers. Ainsi, quand vous prĂ©sentez votre parcours, essayez de valoriser les expĂ©riences, qualitĂ©s ou compĂ©tences importantes pour lâemploi auquel vous postulez. Rassurez le recruteur sur ses doutes potentiels. Par exemple, si vous avez un trou dans votre CV, nâhĂ©sitez pas Ă expliquer le projet que vous avez menĂ© pendant vos deux ans dâinactivitĂ© engagement associatif, accompagnement dâun proche malade, tour du monde. Quelle que soit la cause de votre interruption de carriĂšre, elle peut ĂȘtre valorisĂ©e et doit ĂȘtre lisible pour le recruteur. Comment parler de son futur professionnel en entretien dâembauche ? Si vous ĂȘtes conviĂ© Ă un entretien dâembauche, câest que vous souhaitez donner un nouvel Ă©lan Ă votre carriĂšre professionnelle. Ainsi, lâenjeu de lâentretien dâembauche sera de savoir aborder subtilement votre avenir professionnel, en mixant vos souhaits avec les opportunitĂ©s offertes par le poste Ă pourvoir. Comment prĂ©senter son projet professionnel ? Lâobjectif est de prouver au recruteur la cohĂ©rence entre ce que vous ĂȘtes aujourdâhui et ce que vous aspirez Ă ĂȘtre demain. Dans votre prĂ©sentation, il faudra donc ĂȘtre capable dâeffectuer ce jeu de ping-pong intellectuel entre vos compĂ©tences actuelles et celles requises pour le futur poste. Pour cela, renseignez-vous un maximum sur la fiche de poste. Par exemple "AprĂšs avoir occupĂ© la fonction de chargĂ© de recrutement, jâai Ă©tĂ© promu responsable RH. En plus du recrutement, ce poste recouvrait la paye, la formation et le management dâune Ă©quipe de 5 personnes. AprĂšs 4 annĂ©es passĂ©es Ă cette fonction, jâai dĂ©veloppĂ© mes connaissances juridiques et me suis formĂ© sur les problĂ©matiques RSE. Câest pourquoi jâaspire aujourdâhui Ă monter en compĂ©tences sur une fonction de DRH". Qu'est-ce quâun recruteur Ă©value dans votre projet professionnel ? Ce candidat est-il le meilleur pour ce poste et dans cette entreprise ? » vous disposez en gĂ©nĂ©ral dâune heure dâentretien pour prouver Ă votre interlocuteur que la rĂ©ponse est Oui ». Si la cohĂ©rence de votre CV parcours, expĂ©riences, hard skills est a priori validĂ©e, reste Ă convaincre le DRH de votre motivation. En sĂ©lectionnant les expĂ©riences et compĂ©tences que vous prĂ©sentez, vous prouvez que vous avez saisi lâenjeu du poste Ă pourvoir. En effet, nul besoin de dĂ©tailler votre passĂ© dâanimateur de centre aĂ©rĂ© sauf si vous en avez repĂ©rĂ© une compĂ©tence-clĂ© pour le poste. En revanche, lâĂ©vocation de vos centres dâintĂ©rĂȘt est importante car elle permet au recruteur de mieux vous connaĂźtre. Et notamment dâĂ©valuer si vos valeurs sont en phase avec la culture dâentreprise, et si vous ĂȘtes compatible avec le reste de lâĂ©quipe. 4 astuces pour bien se prĂ©senter lors de lâentretien dâembauche1. PrĂ©parez votre entretien en amontPour ĂȘtre le plus Ă lâaise possible et Ă©viter le cĂŽtĂ© scolaire. Prenez des notes sur les points essentiels Ă aborder durant lâentretien dâembauche. Objectif maĂźtriser son discours, ne pas se perdre dans les dĂ©tails et Ă©viter les oublis. Pensez Ă©galement Ă citer quelques mots-clĂ©s en vous inspirant des notions importantes mentionnĂ©es dans le descriptif de poste. 2. EntraĂźnez-vous Ă lâoral avant le jour J Pour gagner en naturel et Ă©valuer votre timing, rĂ©pĂ©tez chez vous votre entretien de notamment Ă adopter le ton adĂ©quat dĂ©tendu sans ĂȘtre familier, sĂ©rieux sans ĂȘtre ennuyeux, assertif sans ĂȘtre pĂ©dant. 3. Interagissez avec votre interlocuteurVous nâĂȘtes pas lĂ pour rĂ©citer une poĂ©sie, mais pour Ă©changer avec une personne. Et plus vous maĂźtriserez votre discours, plus vous pourrez ĂȘtre attentif aux signes envoyĂ©s par le recruteur. Sourcils froncĂ©s, hochement de tĂȘte, regard dĂ©tournĂ©, sourire cette communication non verbale vous fournit de nombreux renseignements pour savoir comment ajuster votre discours. Par exemple, ralentir ou accĂ©lĂ©rer le rythme, moins rentrer dans le dĂ©tail ou au contraire expliciter un sujet. En utilisant la mĂ©thode DISC, vous pouvez Ă©galement deviner le mode de communication qui sera le plus adaptĂ© au profil de votre interlocuteur. 4. Exercez-vous Ă lâart du storytellingPour permettre au recruteur de suivre votre cheminement de pensĂ©e, organisez vos idĂ©es en entonnoir du plus gĂ©nĂ©ral au plus spĂ©cifique. Exercez-vous Ă lâart du storytelling en intĂ©grant des dĂ©tails, des exemples et des anecdotes qui personnaliseront votre prĂ©sentation et vous dĂ©marqueront des autres candidats. Cela permettra Ă©galement de lĂ©gitimer vos propos et de dissiper dâĂ©ventuelles suspicions face Ă un discours trop dĂ©claratif. HZIiht.