Par PubliĂ© le 28/05/2014 Ă 1008 Nul autant que Stravinsky n'a autant brouillĂ© les cartes de la crĂ©ation au XXe siĂšcle. Tout au long d'une pĂ©riode particuliĂšrement fĂ©conde de soixante ans, il a fondu l'Histoire et les styles dans un chaudron d'oĂč jaillit une musique inouĂŻe. Au soir de sa vie, Stravinsky se souvient de son enfance russe dans Souvenirs et commentaires. Quâelles sont loin, ces premiĂšres annĂ©es passĂ©es Ă Saint-PĂ©tersbourg oĂč lâon cloĂźtre lâenfant Ă la santĂ© fragile nĂ© en 1882 ! Il a un pĂšre cĂ©lĂšbre, la basse FĂ©odor Stravinsky, qui chante au ThĂ©Ăątre Mariinski de Saint-PĂ©tersbourg et lui fait Ă©tudier le piano Ă neuf ans. Mais il est surtout fascinĂ© par la salle du Mariinski, oĂč il suit les rĂ©pĂ©titions des ouvrages de Rossini, Meyerbeer, Gounod, Glinka et Verdi, sans oublier les deux gloires du moment TchaĂŻkovski et Rimski-Korsakov. Les parents insistent la musique nâest pas la prioritĂ©, alors quâune licence de droit Ă lâuniversitĂ©âŠLa mort de son pĂšre en 1902 permet lâĂ©mancipation du jeune musicien, qui commence Ă prendre des leçons avec Rimski-Korsakov, Ăąme du fameux groupe des Cinq et professeur de composition au Conservatoire de Saint-PĂ©tersbourg. Pour le jeune Igor, Rimski-Korsakov devient un "pĂšre" qui va lui enseigner les principes de base pendant trois ans analyse, orchestration, leçons dâharmonie et de contrepoint. Fin 1906 est terminĂ©e une Symphonie en mi bĂ©mol, et les trois annĂ©es suivantes voient la naissance du Scherzo fantastique et de lâopĂ©ra Le Rossignol, dâaprĂšs le conte dâAndersen. Rimski-Korsakov meurt en 1908 avant dâentendre ces Ćuvres achevĂ©es, mais le jeune Stravinsky se fĂ©licite dâavoir Ă©tĂ© "trĂšs encouragĂ© par [son] maĂźtre" lorsquâil lui prĂ©senta les premiĂšres le public qui assiste Ă la crĂ©ation du Scherzo fantastique en 1909 figure Serge Diaghilev, qui vient de crĂ©er les Ballets russes Ă Paris. Diaghilev repĂšre aussitĂŽt ce jeune compositeur et songe Ă lui comme futur orchestrateur de ses ballets. Câest le dĂ©but dâune collaboration qui va durer jusquâĂ la mort de Diaghilev, vingt ans plus tard, et bouleverser lâhistoire de la a mis Paris sous le charme de lâ"orientalisme" russe depuis 1906 la grande exposition "Deux siĂšcles dâart russe" quâil a organisĂ©e a prĂ©cĂ©dĂ© un festival de musique russe pour lequel se sont dĂ©placĂ©s Rimski-Korsakov, Rachmaninov et lâimmense basse FĂ©odor Chaliapine. Ballets et opĂ©ras se suivent, dont la premiĂšre en France de Boris Godounov, le chef-dâĆuvre de Moussorgski. Diaghilev sĂ©duit la capitale par lâopulence de ses dĂ©cors et de ses costumes et stupĂ©fie le public lors de la premiĂšre saison de ses Ballets russes, en 1909, lorsquâil prĂ©sente sur scĂšne pour la premiĂšre fois le danseur Vaclav Nijinski. En revanche, ses choix musicaux tiennent plus du bric-Ă -brac, avec de douteux ravaudages orchestraux dâĆuvres pianistiques de Chopin en guise de partitions ; sans parler des arguments dont la platitude dĂ©sole la critiqueâŠLâentrepreneur de spectacles se rend bien compte que sâil nâattire pas des grands comme Debussy ou Ravel, ses reprĂ©sentations risquent de sombrer dans le kitsch. Pour la partition de son nouveau ballet, il sâadresse successivement Ă Tcherepnine, Liadov et Glazounov refus gĂ©nĂ©ral. Il se tourne alors vers le jeune Stravinsky, encore en Russie. Celui-ci se met au travail ; le rĂ©sultat va ĂȘtre LâOiseau de feu, sur une chorĂ©graphie de Michel Fokine. Le soir de la premiĂšre Ă Paris, le 25 juin 1910, Gabriel PiernĂ© dirige. Avec son harmonie luxuriante hĂ©ritĂ©e de Rimski-Korsakov accompagnant les personnages fantastiques, combinĂ©e au style populaire, la partition enchaĂźne avec efficacitĂ© les Ă©pisodes dramatiques. SuccĂšs, rappels Stravinsky, rejoint sur scĂšne par Debussy, entre dans la lĂ©gende. Il a vingt-huit ans. Jean Cocteau le dessine, le peintre Jacques-Ămile Blanche fait son portrait en pied, il se lie avec Ravel, Satie, Schmitt, Puccini et Falla⊠AprĂšs des vacances passĂ©es Ă La Baule, il sâinstalle Ă Vevey, en 1911, nouveau succĂšs avec Petrouchka, crĂ©Ă© sous la direction de Pierre Monteux, oĂč Fokine est associĂ© aux dĂ©cors et costumes dâAlexandre Benois ainsi quâĂ Nijinski, et oĂč le compositeur affirme avec encore plus dâautoritĂ© son inimitable sens du rythme tout en jonglant avec lâharmonie de Debussy, Ravel et FaurĂ©. Avec ce gĂ©nie de lâorchestration, le folklore, transfigurĂ©, se pare de nouveaux atours. Tout en travaillant sur Le Sacre du printemps, son troisiĂšme ballet, Stravinsky â qui vit entre Saint-PĂ©tersbourg et la Suisse â compose plusieurs mĂ©lodies, ainsi quâune brĂšve page pour chĆur et orchestre, Le Roi des Ă©toiles, dĂ©diĂ©e Ă Debussy, que ce dernier qualifie aussitĂŽt dâ"extraordinaire !"⊠Stravinsky sidĂšre par la concision inattendue du Roi des Ă©toiles comme par ses Trois PoĂ©sies de la lyrique japonaise pour voix et petit ensemble. Fuyant les Ă©coles et les styles, il applique la couleur par touches, Ă la maniĂšre dâun peintre cubiste ou pointilliste. LâamitiĂ© avec Ravel se resserre autour de la rĂ©vision quâils entreprennent ensemble de La Khovanchtchina, lâopĂ©ra posthume de Moussorgski, rĂ©alisĂ©e Ă la demande de Diaghilev et dont la premiĂšre a lieu le 5 juin 1913 au ThĂ©Ăątre des Champs-ĂlysĂ©es Ă semaine avant, le 29 mai, les Ballets russes ont crĂ©Ă© dans la mĂȘme salle Le Sacre du printemps, sur une musique de Stravinsky, une chorĂ©graphie de Nijinski sous la direction de Pierre Monteux. La dĂ©flagration est totale, câest un des plus grands scandales de lâhistoire de la musique. Ravel hurle au "gĂ©nie !" tandis quâune dame sâindigne quâon "[lui] manque de respect". OutrĂ©, Saint-SaĂ«ns dĂ©clare que ce nâest pas de la musique et claque la porte avant la fin, tandis que le critique Ămile Vuillermoz Ă©crit quâ"on nâexplique pas Le Sacre, on le subit avec horreur ou voluptĂ© selon son tempĂ©rament". On peut ĂȘtre surpris par lâampleur du tapage car, aprĂšs tout, Le Sacre a Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ© de partitions aussi surprenantes et radicales que Le Chant de la Terre de Mahler, SalomĂ© de Strauss, PrĂ©lude Ă lâaprĂšs-midi dâun faune et Jeux de Debussy, ou encore Daphnis et ChloĂ© de Ravel. Un rite paĂŻenMais ce qui fait scandale en premier lieu est lâargument du ballet, ouvertement sexuel, qui recrĂ©e un rite paĂŻen au cours duquel on cĂ©lĂšbre le printemps et oĂč une jeune fille entourĂ©e de vieillards danse jusquâĂ la mort. Autre sujet de discorde le rythme stravinskien, dont la pulsation implacable va se renforçant tout au long de lâĆuvre, Ă la fois obsessionnel, primitif et orgiaque. Plus encore, câest le caractĂšre imprĂ©visible de la partition qui choque des phrases coupĂ©es de brusques ruptures, de superpositions et de collages an plus tard, Ă lâinvitation du ThĂ©Ăątre libre de Moscou, Stravinsky achĂšve Le Rossignol. Non sans difficultĂ©, car le premier tableau date des annĂ©es dâapprentissage avec Rimski-Korsakov, et le style du compositeur a depuis beaucoup Ă©volué⊠Entre-temps, Moscou dĂ©clare forfait et câest encore Diaghilev, grĂące au fidĂšle Pierre Monteux, qui assure la premiĂšre Ă lâOpĂ©ra de Paris. Ravel adore et lâĂ©crit aussitĂŽt dans Comoedia, louant "lâindĂ©pendance audacieuse des thĂšmes, des rythmes et des harmonies".On aurait pu croire que la Grande Guerre mettrait fin Ă cet Ă©lan crĂ©atif. Le conflit mondial coupe en effet Stravinsky de la Russie et lâoblige Ă demeurer exilĂ© en Suisse oĂč il rĂ©sidait dĂ©jĂ , avec peu dâargent, quatre enfants et une Ă©pouse malade. Mais la rencontre avec le poĂšte suisse Charles Ferdinand Ramuz, en 1915, est dĂ©terminante. Avec trois fois rien, tous deux rĂ©inventent la magie du thĂ©Ăątre de trĂ©teaux Renard, LâHistoire du soldat et Les exilĂ©Quand Debussy disparaĂźt en 1918, Stravinsky affirme quâil a perdu son pĂšre. Le plus français des compositeurs dĂ©racinĂ©s la RĂ©volution russe lâa dĂ©possĂ©dĂ© de ses biens et il sâinstallera Ă Paris en 1920 appartient dĂ©sormais Ă la cohorte des "Ă©trangers" fustigĂ©e par un esprit patriotique dĂ©placĂ©. Ravel, notamment dans sa correspondance, aura beau monter au crĂ©neau pour dĂ©fendre son ami mais aussi Schoenberg, Kodaly ou Bartok, la jalousie voire la haine attise les passions. En 1919, Pulcinella, composĂ© dâaprĂšs des thĂšmes de PergolĂšse, suscite Ă la fois lâadmiration et la critique. Trop dĂ©rangeante, cette libertĂ© de ton associĂ©e Ă un esprit camĂ©lĂ©on qui pille dans les malles de lâHistoire et revisite les genres ! Tel lâ"ogre" Picasso, son contemporain, Stravinsky traverse avec malice les courants et les modes quâil plie Ă son propre langage ; son appĂ©tit est sans bornes, de lâorchestre gĂ©ant Ă la miniature, du jazz au thĂ©Ăątre de foire, du divertissement au ballet, de la satire Ă la musique religieuse⊠Au bel hommage Ă Debussy quâest la Symphonie dâinstruments Ă vent en 1921 succĂšde un salut Ă Lully avec le ballet Apollon musagĂšte, puis une rĂ©appropriation de lâAntiquitĂ© avec lâaide de Cocteau Ćdipus Rex et de Gide PersĂ©phone, ou la rĂ©invention de la musique byzantine avec la grandeur hiĂ©ratique de sa Symphonie de Psaumes 1930.Stravinsky lâapatride ne connaĂźtra jamais les frontiĂšres. Son seul pays restera la musique. En 1939, il perd sa femme Katerina et sa mĂšre. Cette annĂ©e-lĂ , invitĂ© par lâuniversitĂ© de Harvard Ă donner une sĂ©rie de cours, il quitte le Vieux Continent qui entre dans la guerre. Son exil aux Ătats-Unis, le deuxiĂšme de sa vie aprĂšs la Suisse, nâentame en rien son Ă©nergie. Ă Hollywood, oĂč il sâinstalle, il officialise sa liaison avec Vera de Bosset, dĂ©coratrice et peintre quâil connaĂźt depuis leur rencontre chez Diaghilev en 1919, et obtient la nationalitĂ© amĂ©ricaine en 1945. Il flirte avec la musique sĂ©rielle dans le ballet Agon, chorĂ©graphiĂ© par George Balanchine en 1957. Cinq ans plus tĂŽt, dirigeant Ă La Fenice de Venise la crĂ©ation de son opĂ©ra The Rakeâs Progress, il croise dans cet ouvrage chantĂ© en anglais la comĂ©die musicale et lâopĂ©ra mozartien. Retour en arriĂšre ou marche en avant ? Aller au-delĂ des frontiĂšres et rĂ©enchanter le passĂ©, telle semble ĂȘtre la devise de ce sorcier du XXe siĂšcle qui sâintĂ©ressait dans ses derniĂšres annĂ©es Ă la tĂ©lĂ©vision, Ă©crivant Le DĂ©luge, singuliĂšre pochade rĂ©citĂ©e, chantĂ©e et dansĂ©e, entre dessin animĂ©, Broadway et oratorio biblique, avec "danse du ventre dodĂ©caphonique"âŠStravinsky quitta Hollywood pour New York en 1969. Il mourut deux ans plus tard dans cette ville qui fait face, par-delĂ lâocĂ©an, Ă lâEurope. LâĂ©ternel exilĂ© repose au cimetiĂšre de Venise, sur lâĂźle San Michele â une Ăźle, ultime rĂ©fuge Ă lâĂ©cart du monde. Sa tombe est voisine de celle de Diaghilev.
Câest pas sorcier â Les phasmes. 100Ăšme jour dâĂ©cole ! â. Câest pas sorcier : le PrintempsInfosDiffusionsCastingRĂ©sumĂ©Le printemps, c'est la saison du renouveau. AprĂšs de longs mois de repos, la nature reprend vie. C'est le soleil qui va donner le premier signe de la sortie de l'hiver. Les perce-neiges sortent de terre, les premiers bourgeons apparaissent, les insectes reprennent le cours de leur vie et les hirondelles annoncent la saison nouvelle. Fred et Jamy nous expliquent les petits miracles de cette saison foisonnante qu'est le printempsGenreMagazine - Science et techniqueAnnĂ©e de sortieâAvecFrĂ©dĂ©ric Courant, Jamy Gourmaud, Sabine Quindou, Catherine BretonInfos supplĂ©mentairesâAvis des internautes 1Vous avez aimĂ© ce programme ?